Eclats de vers : Litéra 02 : Style-eau

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Table des matières

1. Pré en bulles

1.1. Introduction

Rhétorique, figures, ronds de jambes et petits pas de danse, fort bien ! Mais où se situe le naturel dans ces détours de la langue, me direz-vous ? Je vous répondrai ceci : nombreux sont les auteurs qui, tout en étant persuadé de nager dans la spontanéité la plus pure, utilisent inconsciemment les techniques de ce que l’on appelle communément le style. Que ce soit dû à un don naturel ou à l’analyse inconsciente de leurs lectures, il n’en reste pas moins qu’ils se servent généreusement dans cette fort pratique boîte à outils. Ajoutons à celà qu’il est peu probable qu’aucun puisse maîtriser sans les apprendre toutes les astuces connues, et vous comprendrez l’intérêt de ce recensement.

Cet ouvrage traite donc des procédés, placés ici sous le terme générique de figure de style, permettant de donner du caractère à un texte. Leur classification ne fut pas chose aisée, les propriétés en étant fort dispersées. J’ai finalement décidé de procéder par analogie, l’ensemble devenant un de ces édifices de grande ampleur, une de ces merveilles à la symbolique forte qui n’a pu être réalisée que grâce à l’accumulation du savoir-faire au cours des siècles. Nous commencerons par tracer le plan des figures de pensée et du langage imagé. Viendra ensuite une classification des transformations permettant de créer des variations d’un texte original, aussitôt suivie des constructions, figures où intervient une forme quelconque de répétition, simple ou dérivée. Le carillon dévoilera des techniques associées au phrasé musical, puis l’architecture présentera des figures plus vastes ou plus complexes. Enfin, le temple concluera cet ouvrage en recensant quelques méthodes encore plus larges, liées à l’argumentation.

Mon espoir est qu’avec tout cet arsenal, vous pourrez inventer vous même les formes poétiques qui s’accorderont le mieux à votre âme au moment où l’inspiration, qu’elle soit petite ténue ou grande tétue, viendra frapper à votre porte. Dans une chanson réussie, la musique à un sens propre en plus de celui des paroles, et un poème est avant tout une mélodie de toute beauté, qui suggère plutôt que d’imposer.

1.2. Avertissement

La nomenclature utilisée dans ce document est fort éloignée du vocabulaire habituel propre aux figures de style ou de rhétorique, et la raison en est triple. Tout d’abord pédagogique, car si on peut admettre une certaine force poétique dans la bizarrerie d’une famille où se cotoient anaphore, épanalepse, oxymore et autre adynaton, il me semble naturellement plus adapté à un bestiaire chimérique qu’à la limpidité d’un exposé. Ensuite, j’ai pu constater en lisant deux ouvrages sur le sujet, l’un orienté vers le style et l’autre vers la rhétorique, qu’il n’existe pas de convention universelle en ce domaine : si certains termes possèdent un sens bien établi, de nombreux autres admettent plusieurs définitions. Enfin, j’ai pu observer au fil de mes lectures poétiques ou découvrir par moi-même des figures qui ne semblent pas recensées. J’ai donc choisi d’adopter une nomenclature innovante, même si certains mots comme la métaphore sont repris du vocabulaire traditionnel, tout en ayant parfois un sens nuancé. Toutefois, lorsqu’un lien clair avec la nomenclature traditionnelle existe, celle-ci est précisée à titre indicatif au début de la section correspondante.

1.3. Notations

On symbolise les blocs de texte par des lettres majuscules :

A, B, C, …, Z

Les tirets « — » entre les groupes de lettres désignent des séparations logiques, conceptuelles, de ponctuation, de strophes, du texte ou autre. Considérons par exemple ce quatrain :

Sur quoi repose une vie
Qu’un peu de cendre et de pluie
Qu’un peu de cendre emportée
Dans la tempête en furie

Afin de mettre en évidence l’architecture du texte, nous symbolisons par des lettres majuscules les blocs concernés :

A = Qu’un peu de cendre
B = et de pluie
C = emportée

ce qui nous permet d’annoter la strophe :

Sur quoi repose une vie [ Qu’un peu de cendre ] (A) [ et de pluie ] (B) [ Qu’un peu de cendre ] (A) [ emportée ] (C) Dans la tempête en furie

Nous pouvons alors en schématiser la structure par :

..........
AB
AC
..........

La structure interne peut donc s’écrire :

AB — AC

2. Plan

2.1. Échelle

Les figures de style peuvent se construire à n’importe quelle échelle textuelle ou poétique : on peut par exemple utiliser des mots pour modifier l’intérieur des syntagmes ou des hémistiches pour ajuster les strophes. Le tableau ci-dessous recense les cas les plus courants :

  • discours
    • lettre
    • syllabe
    • mot
    • syntagme
    • locution
    • proposition
    • phrasé
    • paragraphe
  • poésie
    • voyelle
    • consonne
    • syllabe
    • rime
    • coupe
    • césure
    • hémistiche
    • vers
    • strophe

Notons que la poésie versifiée n’exclut pas les échelles discursives, bien au contraire : la combinaison des échelles discursives et poétiques ainsi que les décalages qui peuvent en résulter constituent l’un de ses atouts majeurs.

2.2. Implicite

Nomenclature traditionnelle : ellipse, brachylogie

Dans toute figure de style, chaque idée ou bloc de texte peut être effectivement présent, et on dit alors qu’il est explicite, ou bien seulement sous-entendu, et on dit qu’il est implicite. Dans ce dernier cas, c’est le plus souvent le coté insolite ou la variation par rapport à la structure usuelle qui indique la présence de la figure.

2.2.1. Indices

Lorsqu’une idée est sous-entendue, il est possible de glisser un indice permettant d’orienter le lecteur vers le sens implicite.

2.2.2. Contexte

Lorsqu’aucun indice n’est glissé, c’est au contexte de nous renseigner. Par exemple, dans un contexte élogieux, l’exclamation :

Merveilleux !

ne signifie rien d’autre que son sens propre. Il en va tout autrement dans un contexte de défaitisme, où la même exclamation est perçue comme ironique, ce qui a pour effet d’accentuer le pessimisme ambiant.

2.3. Images

Il s’agit de rapprocher deux idées A et B (choses, êtres, actions, abstractions, …), voire d’identifier l’une à l’autre, afin de faire correspondre leurs caractéristiques (constituant, partie, action, comportement, …).

Par exemple, si on rapproche l’idée d’arbre à celle de navire, les racines pourront être représentées par l’ancre, ou inversément. De même, l’action de libérer les voiles pour gagner de la vitesse pourra être interchangeable avec la pousse des feuilles au printemps.

2.3.1. Cristal

Il s’agit d’une idée centrale A rapprochée de plusieurs idées B, C, ..., de sorte que chaque caractéristique, chaque facette de A est associée à une idée différente.

On peut par exemple décrire un personnage en disant qu’il a la souplesse d’un félin et les yeux d’un serpent, ou dépeindre une plage comme étant la demeure du vent et l’orée de l’océan.

2.4. Combinaisons

Nomenclature traditionnelle : alliance

La combinaison rassemble deux ou plusieurs idées quelconques en utilisant une construction grammaticale pour assurer la cohérence de l’ensemble. Le tableau ci-dessous donne des exemples des formes les plus courantes de ces structures.

Type + Type Exemple
nom + apposition Renard, oiseau de ruse, …
    adjectif Un ciel empoisonné
    génitif Les soupirs du printemps
    consistance Son sourire est en or
      Une larme de sel
    verbe La brume transpire
verbe + adverbe Il ruse paresseusement
    infinitif Il joue à perdre haleine
    complément direct Suer des oasis
    complément Il pleure jusqu’au sel
  coordonnée   Ni renard ni calife
      Frénétiques et glacés
  subordonnée   Cette brise qui nous parfume
  relative   Le printemps qui soupire

2.5. Croisements

Le croisement est une combinaison qui joue sur deux plans :

  • la phonétique
  • les idées

Chacun de ces deux sens peut être explicité ou rester implicite. Par exemple, les mots :

arbre + buste

font penser phonétiquement à un arbuste. Le sens imagé pourrait être le buste de l’arbre, ce qui donne un style fantastique à la description tout en suggérant la partie supérieure du tronc ou le feuillage.

2.6. Connexions

Nomenclature traditionnelle : métonymie, synecdote

Il s’agit de voyager d’un concept à l’autre en utilisant des associations d’idées, une phonétique similaire ou des déclinaisons grammaticales. Par exemple, on peut partir du concept de nuage et arriver à l’idée de pluie. Le tableau ci-dessous reprend les schémas de pensée les plus courants.

Connexion   Exemple  
phonétique semblable   oseille oreille
déclinaisons   amour aime
    rouge rougeur
thème commun   comète astronef
famille commune   chouette goéland
juxtaposés   papillon fleur
opposés   feu glace
générique spécifique oiseau cygne
cause effet soleil jour
engendrant engendré poule oeuf
tout partie chat patte
contenant contenu carafe vin
idée caractéristique verre transparence
  action chat miauler
  constituant perle nacre
les sens   voir  
    écouter  
    sentir  
    gôuter  
    toucher  

Par souci de concision, tous les exemples ci-dessus sont de simples mots, mais il en va de même avec tout autre échelle littéraire. Par exemple, on peut utiliser un lien de causalité pour associer la conséquence :

Le verre s’est brisé.

à un des éléments de la cause :

Le verre est si fragile.

2.6.1. Déclinaisons

Les principaux paramètres que l’on peut faire varier pour une déclinaison sont, pour les noms et adjectifs :

  • le genre
  • le nombre

et pour les verbes :

  • le temps
  • la personne
  • actif / passif
  • affirmatif / négatif

Il existe bien entendu d’autres cas de déclinaisons, comme la transformation d’un adjectif en nom ou en adverbe par exemple.

2.6.2. Indirecte

Lorsqu’on combine plusieurs associations simples, on obtient une association complexe comportant plusieurs étapes. Une association indirecte est le lien existant entre le point de départ et l’arrivée de tout le raisonnement. Prenons par exemple la suite de connexions :

soleil —— chaleur —— désert —— sable —— ensabler

La phrase :

Le soleil s’ensable.

contient les idées initiale et finale de la construction.

2.7. Treillis

Il s’agit d’énumérer une idée ainsi qu’une ou plusieurs de ses connexions. Par exemple, Baudelaire cite dans cet extrait pas mal d’idées liées aux animaux, à leurs actions et en particulier leurs cris :

Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices

2.7.1. Grammatical

Voici un exemple de treillis grammatical, c’est-à-dire utilisant les déclinaisons :

Ses rougeurs en rougirent de plaisir

2.8. Contrastes

Nomenclature traditionnelle : antilogie, antithèse

Il s’agit d’un cas particulier de treillis où l’on juxtapose deux idées contrastées ou opposées. Exemple :

La glace est sur le feu

On peut également travailler à l’échelle du vers, en opposant deux hémistiches :

Qui veut se croire grand s’entoure de petits

2.8.1. Combinaison

Nomenclature traditionnelle : oxymore

L’effet est saisissant lorsque le contraste est composé de deux mots liés par un ciment grammatical. Un exemple de Corneille :

Cette obscure clarté qui tombe des étoiles.

Voici un autre exemple de construction faisant intervenir un verbe et un complément :

Oui, sondez l’insondable océan du sabbat

2.8.2. Négation — affirmation

On peut aussi construire un couple négation — affirmation. Exemple :

Il ne sera jamais d’homme si médiocre que l’art est un titan.

Voici un autre exemple, de Valéry :

Toute humide des pleurs que je n’ai point versés

On rencontre aussi des constructions basées sur des contrastes similaires, comme :

plus moins
toujours jamais
début fin
premier dernier

Exemple de Rostand :

D’autant plus éloquent que j’étais moins sincère

2.8.3. Description

Nomenclature traditionnelle : antéisagoge

On décrit quelque chose en commençant par ce qu’il n’est pas et en terminant par ce qu’il est :

Il n’était pas très grand, mais plus haut qu’un titan !

2.9. Comparaisons

Une comparaison est un cas particulier d’image, où les deux idées, appelées le comparé et le comparant, sont rapprochées par une caractéristique appelée le point de comparaison. Dans cet exemple :

Ce dessert est doux comme une brise vespérale

Le dessert est le comparé, la brise vespérale le comparant, le caractère doux le point de comparaison et le mot-lien est comme. Les mots-liens les plus courants sont : comme, tel, tel que, aussi … que, ainsi que. Voici quelques exemples d’utilisation :

L’air est aussi frais que l’eau d’un étang
La lune se parait ainsi qu’une princesse

Tel un fol horizon, leur espoir refluait

2.9.1. Similitude

Lorsqu’on veut montrer une similitude entre toutes les caractéristiques du comparé et du comparant, on utilise plutôt les mots-liens pareil ou semblable :

Pareil aux illusions, le spectre disparut
La douceur est semblable aux brises vespérales

mais on peut aussi en utiliser d’autres :

Nous ne sommes pas tout à fait arrivés, mais c’est tout comme
Ton frère est comme sa soeur

2.10. Métaphores

Nomenclature traditionnelle : métaphore

Une métaphore est une image, image qui peut être vue comme une comparaison où, hormis le comparant, la plupart des éléments sont implicites. On se sert d’indices pour guider le lecteur vers les éléments masqués. Exemple :

Deux brasiers le foudroyèrent du regard

L’indice du regard nous mène vers les yeux. Quel pourrait être le point de comparaison entre ces deux idées ? Par exemple l’aspect brillant, la foudre nous suggérant la colère. On peut donc supposer qu’il s’agit de la comparaison implicite :

Son regard se posa sur lui, et ses deux yeux étaient aussi brillants que deux brasiers, ce qui le foudroya

2.10.1. Identification

Une variante particulière de métaphore est celle où le comparé est explicitement cité, et identifié au comparant. Dans notre exemple, on aurait :

Ses yeux étaient deux brasiers foudroyants

ou :

Ses yeux, brasiers foudroyants, ...

2.10.2. Filée

Les métaphores filées sont des suites de métaphores où comparés et comparants sont développés à partir de thèmes centraux. Par exemple, si nous voulons filer la métaphore autour des yeux, nous pourrons dire :

Deux brasiers foudroyants étincelèrent dans la nuit endormie, et il sentit que des flammes tourmentées par le vent l’examinaient.

Il y a un développement de l’idée des yeux, à travers le qualificatif endormie qui suggère des yeux fermés, mais aussi à travers l’adjectif tourmentées, et le verbe examiner, caractérisant un regard inquiet et attentif. L’idée du brasier est également développée, à travers le verbe étinceler et les flammes.

2.10.3. Cryptée

Il s’agit d’une métaphore où les indices sont très ténus, pour ne pas dire inexistants. Il y a alors ambiguité, et donc multiplication des sens possibles. Le contexte ou la suite du texte peut éventuellement donner un ou plusieurs éclairages différents à une métaphore cryptée.

2.10.4. Analogie

Une analogie consiste à comparer deux relations, par exemple :

La vertu en société est aussi rare que le trèfle à quatre feuilles dans une prairie

On peut rendre implicite le point de comparaison, ici la rareté :

La vertu est à la société ce que le trèfle à quatre feuilles est à la prairie

2.11. Sémantique

Il s’agit de jouer avec les différents sens possibles des mots, ainsi qu’avec le nombre d’occurences d’un même texte ou d’une même idée. Une même idée peut être exprimée identiquement ou différemment au fil des occurences. Voyons un exemple :

Il paraît que l’important n’est plus d’être, mais d’avoir, et même d’avoir l’air ; brasser de l’air et de l’argent.

Cette phrase contient deux occurences du verbe avoir. Mais dans le premier cas, il est isolé et signifie posséder, alors que dans le second, il est inclus dans l’expression avoir l’air qui signifie paraître. Le verbe paraître est d’ailleurs cité explicitement au début du texte, mais il est inclus dans l’expression Il paraît que qui signifie On raconte que. Dans la deuxième partie de la phrase, une seule occurence du verbe brasser prend deux significations : brasser de l’air qui signifie s’agiter beaucoup pour masquer l’inconsistance de ses travaux, et brasser de l’argent qui signifie être riche.

Voyons à présent les figures simples que l’on peut déduire de cet exemple.

2.11.1. Syllepse

Nomenclature traditionnelle : syllepse (oratoire)

Une seule occurence d’un seul bloc de texte prend plusieurs sens. Exemple :

Le sel de mer et du texte

Le sel prend d’abord le sens de sel marin, puis ensuite celui d’aspect spirituel d’un texte.

Dans cet autre exemple :

Il posa son bic et une question

Le verbe poser a d’abord le sens de poser un objet puis de demander.

2.11.2. Périphrase

Nomenclature traditionnelle : périphrase, circonlocution

Une périphrase consiste à exprimer une même idée différemment. Par exemple, on peut exprimer l’idée de pluie par :

Les larmes du ciel

La tournure initiale (ici pluie) reste implicite.

2.11.3. Redondance

Nomenclature traditionnelle : pléonasme, trajection

Il s’agit de la répétition d’une même idée exprimée différemment. Exemple :

La pluie, les larmes du ciel nous rafraîchissent l’âme

2.11.4. Résonance

Nomenclature traditionnelle : antanaclase, diaphore, tautologie

Chaque occurence d’un bloc de texte prend un nouveau sens. Exemple :

Les jeunes fleurs aiment les fleurs

La première occurence de fleurs a le sens poétique de jeune fille, tandis que la seconde occurence a le sens propre de fleurs.

Remarque : notons qu’un indice a été glissé dans notre exemple : jeune fleur ressemble phonétiquement à jeune fille.

2.11.5. Pronom

Plutôt que de répéter le bloc tel quel, on utilise un pronom. Par exemple, la phrase :

Tout le monde, tout le monde arrive !

devient :

Tout le monde il arrive !

De même :

C’est son bonbon, son bonbon !

peut être reformulé en :

C’est son bonbon à lui !

2.12. Feintes

Une feinte est la combinaison d’une affirmation et d’un indice ou d’un contexte qui nous guide vers un sens implicite différent du sens apparent de l’affirmation.

2.12.1. Dépréciation feinte

Nomenclature traditionnelle : autocatégorème, chleuasme

C’est une manoeuvre qui consiste à se déprécier dans le but de provoquer une réaction opposée de l’interlocuteur. Elle est souvent teintée d’ironie ou d’indignation, comme dans cet exemple du Tartuffe de Molière :

Mais la vérité pure est que je ne vaux rien.

2.12.2. Éloge implicite

Nomenclature traditionnelle : astéisme, antiphrase

Exemple :

Je vous dois gronder, cruel, votre absence me fut une torture, oh mais constante !

On comprend qu’en fait la narratrice est très attachée à son interlocuteur.

2.12.3. Grief implicite

Nomenclature traditionnelle : ironie, antiphrase

Exemple :

Si tu continues à viser aussi bien, tu peux être sûr de ne jamais atteindre la cible.

On comprend qu’en fait la personne en question vise très mal.

2.12.4. Double négation

Nomenclature traditionnelle : litote

Il s’agit d’une feinte utilisant une double négation : grammaticale (nepas) et implicite. Exemple :

Il ne fait pas très chaud.

phrase qui nous laisse entendre qu’il fait très froid.

2.13. Condensation

Il s’agit de rendre concret, de donner une consistance à une notion abstraite, par exemple :

Lance tes sentiments par-dessus les grillages

2.14. Animation

Nomenclature traditionnelle : allégorie

2.14.1. Hypotypose

Description très vivante, comme si on y était.

2.14.2. Personnification

On fait vivre une idée, un objet, ou un être inanimé. Exemple :

Avec son front squelettique
Sa frondaison dégarnie
Privé de toute tunique
Notre arbre songe aux Antilles

ou encore :

Le printemps nous sourit, soulevant ses jupons

2.14.3. Prosopopée

On adresse la parole à une idée, un objet ou un être. Exemple de Lamartine :

Ô temps suspends ton vol !

2.14.4. Sermonication

On donne la parole à une idée, un objet ou un être. Exemple :

Je suis la forêt, entends-tu ma plainte ?

2.15. Intensité

2.15.1. Emphase

Accentue l’aspect solennel.

2.15.2. Hyperbole

Exagération forte.

2.15.3. Adynaton

Hyperbole tellement exagérée qu’elle en est impossible.

2.15.4. Euphémisme

Expression atténuée pour ne pas choquer.

2.15.5. Exténuation

Propos d’aspect anodin.

2.16. Dialogue

2.16.1. Apostrophe

Interpellation directe d’une personne réelle ou abstraite.

2.16.2. Interrogation oratoire

Fausse question qui n’attend pas de réponse de l’interlocuteur, mais destinée uniquement à renforcer la suite du discours. La réponse est donc fournie comme suite logique par la personne qui pose la question.

2.17. Décalage temporel

2.17.1. Analepse

Récit d’une action antérieure au temps principal du discours.

2.17.2. Prolepse

Anticipation d’une situation, dans le futur du temps principal du récit.

Souvent utilisée pour anticiper les objections de l’interlocuteur.

3. Transformations

3.1. Variations

Nous regroupons sous le terme générique de variations les figures qui consistent à modifier un bloc de texte original pour produire un bloc dérivé qui lui ressemble. Nous notons :

A’

tout bloc dérivé d’un bloc original A. L’original et la variation peuvent se ressembler sur différents niveaux : idée, structure, phonétique, rythme ou sous-bloc(s) similaire(s), etc. Par exemple :

Le silence écrasa le désert

peut être dérivé en :

La cadence envoûta la litière

qui est de structure, phonétique et rythme semblables.

3.1.1. Multiples

Il arrive fréquemment qu’un bloc de texte soit sujet à plusieurs variations. Dans ce cas, nous notons :

A’   A’’   A’’’   ...

les variations successives

3.1.2. Utilisation

Les variations sont bien sûr utilisées isolément, mais elles le sont aussi par nécessité, lors de la construction d’autres figures, qui nécéssitent des ajustements afin de conserver la fluidité du texte.

3.2. Déplacements

Nomenclature traditionnelle : dislocation, hypallage

Il s’agit de déplacer un bloc de texte pour produire un effet d’étrangeté ou bouleverser la structure usuelle. Le tableau ci-dessous donne des exemples des formes de déplacements les plus courants.

Type Exemple  
  Forme implicite d’origine Forme déplacée
Syntagme L’orage et le chien grondent. L’orage gronde, et le chien
Adjectif La chaleur de sa robe pourpre le fascinait. La chaleur pourpre de sa robe le fascinait.
Subordonnée L’éclair que l’orage couvait nous a surpris L’éclair nous a surpris que l’orage couvait
Relative L’éclair qui s’enfuit sans attendre nous a surpris L’éclair nous a surpris qui s’enfuit sans attendre

3.3. Ajouts

L’ajout consiste à ajouter un élément ou un bloc dans un texte.

3.4. Suppressions

La suppression consiste à supprimer un élément ou un bloc dans un texte.

3.5. Développements

Nomenclature traditionnelle : paraphrase

Il s’agit de développer une idée afin d’en construire une forme plus ample.

3.5.1. Gradation

Nomenclature traditionnelle : climax

Une idée est développée progressivement, avec de plus en plus de force. Exemple :

Là-bas le ciel est sombre, grisâtre, sinistre, à glacer le sang.

3.5.2. Évanescence

Nomenclature traditionnelle : anticlimax

Une idée est développée avec de moins en moins de force. Exemple :

Allons, du bonheur, de la joie, de l’enthousiasme, ne serait-ce qu’un sourire.

3.5.3. Grammaticale

Il s’agit d’utiliser un maximum de particules grammaticales : le, les, et, mais, etc. On allonge donc le texte en ajoutant des articulations. Par exemple, cette phrase :

Je sais que tu es là

peut être développée en :

Je le sais que tu es vraiment tout à fait là

3.6. Synthèses

Il s’agit de synthétiser une idée afin d’en construire une forme plus concise.

3.6.1. Raccourci

Une part du sens est omis, c’est au lecteur de le reconstituer. Un exemple de toute beauté de Corneille :

Je t’aimais inconstant, qu’eussé-je fait fidèle ?

qui signifie :

Je t’aimais alors que tu étais inconstant, qu’eussé-je fait si tu avais été fidèle ?

3.6.2. Grammaticale

Nomenclature traditionnelle : asyndète, parataxe

Il s’agit d’utiliser un minimum de particules grammaticales. On condense donc le texte en supprimant des pronoms, articulations, etc. Par exemple, cette phrase :

Je sais que tu es là

peut être synthétisée en :

Tu es là, je le sais

Cet extrait d’Edmond Rostand :

Cyrano, fais ce que dois !

omet un pronom normalement utilisé :

Cyrano, fais ce que tu dois !

3.7. Substitutions

Il s’agit de substituer une idée ou un bloc de texte à un autre.

3.7.1. Connexions

Les connexions permettent de construire d’élégantes substitutions.

Utilisons par exemple :

nuage —— pluie

La phrase :

Les nuages arrivent sur nous

peut être remplacée par :

La pluie arrive sur nous

3.8. Inversions

Il s’agit de permuter deux blocs de texte. L’ordre d’origine est implicite.

3.8.1. Étrangeté

L’inversion est indiquée par un effet d’étrangeté. Ainsi, la phrase :

Sa robe était brodée et de couleur vive.

devient après inversion :

Sa robe était vive, et de couleur brodée.

3.8.2. Ordre usuel

Nomenclature traditionnelle : anastrophe

L’inversion est indiquée par une modification de l’ordre usuel. Par exemple :

Sans aucun désir

devient après inversion :

Sans désir aucun

Le tableau ci-dessus reprend quelques exemples d 'inversion :

Forme implicite d’origine Forme inversée
Encore plus Plus encore
Durant sa vie Sa vie durant
Je veux la voir sourire Je la veux voir sourire
Ne pas le sentir Ne le sentir pas
Je vais y songer J’ y vais songer
La lune se fond dans la nuit Se fond la lune dans la nuit
Voici qui ? moi Me voici

3.8.3. Causalité

Nomenclature traditionnelle : prolepse

Il s’agit de l’inversion d’une cause et d’une conséquence. On se sert souvent d’un adjectif indiquant la conséquence pour placer celle-ci avant la cause. Par exemple, cette phrase :

L’eau subit la tempête qui la trouble

devient après inversion :

L’eau troublée subit la tempête

3.8.4. Types grammaticaux

Nomenclature traditionnelle : implication

Il s’agit de permuter les types grammaticaux dans un syntagme. Un exemple courant consiste à permuter les types d’un nom et d’un qualificatif. Par exemple, le syntagme :

Le ciel clair

devient après permutation :

La clarté céleste

ou encore :

La clarté du ciel

3.8.5. Rupture

L’inversion peut provoquer une rupture au niveau des articulations de la phrase. Par exemple, un tapis vert et bleu peut devenir :

un vert tapis, et bleu

3.9. Fusions

Il s’agit de fusionner deux blocs de texte en les juxtaposant. On peut être amené à les modifier afin de rendre l’ensemble plus cohérent. Par exemple, cette phrase :

Des rafales et des fleurs nous embrument.

devient après fusion :

Des rafales fleuries nous embrument.

3.10. Scissions

Nomenclature traditionnelle : hendiadyn, handiadys

Il s’agit de scinder un bloc de texte en deux blocs non consécutifs. On peut être amené à effectuer des modifications afin de rendre l’ensemble plus cohérent. Par exemple, cette phrase :

De lourdes nuées s’amoncellent.

devient après scission :

De la lourdeur et des nuées s’amoncellent.

3.10.1. Locution

Nomenclature traditionnelle : tmèse

Cette figure est également d’une grande force lorsqu’on scinde une locution. Ici, Valéry scinde la locution Quelle que soit :

Quelle, et si fine et si mortelle,
Que soit ta pointe, blonde abeille

4. Constructions

4.1. Répétitions

Un même bloc de texte est répété à plusieurs endroits du texte, avec ou sans variations.

4.1.1. Refrain

Nomenclature traditionnelle : refrain

Un refrain est un bloc de texte répété régulièrement. En poésie, on le retrouve souvent sous la forme de petites strophes alternant avec les strophes ordinaires, ou d’un ou plusieurs vers situés en même position dans chaque strophe. Exemple :

Les nuées pourpres du désir
Viennent rosir le parchemin
Son coeur se gonfle d’un soupir
Le stylo languit dans sa main
Quelle strophe vive et sanguine
Ecrit-elle à l’encre carmin ?
J’entends glisser sur le vélin
Son joli rire de coquine

Les nuées pourpres du désir
Se sont lovées dans ses cheveux
Sa muse d’un baiser fougueux
Baillonne son charmant sourire
C’est un frôlement langoureux
Qui l’envoûte et qui la taquine
C’est le murmure des aveux
Son joli rire de coquine

4.1.2. Rafale

Nomenclature traditionnelle : battologie, épizeuxe, palillogie, réduplication

Il s’agit de répéter plusieurs fois de suite un même bloc de texte. La dernière occurence peut servir d’introduction à un développement de l’idée. On a donc la structure générique :

AA...A

Exemple :

Tourner, tourner encore et de plus en plus vite

Autre exemple, à l’échelle de la syllabe :

Le DÉ, ce DÉ-mon

ou encore :

NOUS NOUS NOU-rissions de venin

4.1.3. Récursivité

On utilise une répétition et un ciment grammatical pour obtenir un effet de récursivité, avec suggestion de mise en abyme. Le tableau ci-dessous donne des exemples des formes les plus courantes de ces structures.

Type Exemple
adjectif Un ciel céleste
  Nos rêves endormis
génitif Le soupir des soupirs
consistance Une guirlande de guirlandes
verbe La brume s’embrume
adverbe Il ralentit lentement
verbe + Infinitif Il sait ce qu’il faut savoir
complément direct Il regarde un regard
complément La poésie pour la poésie
coordonnée De l’art, mais artistique
subordonnée Je rêve que je rêve

Voici un exemple où Valéry utilise une double récursivité : celle, assez naturelle, du pronom personnel me par rapport au sujet Je, et celle de l’infinitif voir par rapport au verbe conjugué voyais :

Je me voyais me voir, sinueuse, et dorais

4.2. Nuances

Il s’agit d’une répétition ou le bloc répété est dérivé à chaque nouvelle occurence.

4.2.1. Refrains

On utilise entre-autres les nuances pour varier les refrains. Exemple :

Le vigneron carillonne
L’heure des vendanges sonne

Les beaux raisins sont bien mûrs
Les lourdes grappes vermeilles
Pèsent leur poids sur la treille
On croirait un champ de mûres

Les vendangeurs emprisonnent
Les coloris de l’automne

Dans les arbres, les buissons
La campagne se barbouille
C’est une autre floraison
De menthe, d’or et de rouille

Le tonnelier assaisonne
La brûlure de l’automne

4.3. Mouvements

Un mouvement est un déplacement avec forme originale explicite :

A  —  ⟻ A ⟼

Exemple :

Le temps s’était figé sur l’aurore des siècles
.............
S’était figé le temps sur l’aurore des siècles

4.4. Extensions

On développe une idée préalablement citée sous une forme plus concise. Exemple :

La pire, ce fut la pire journée.

Le procédé peut être appliqué plusieurs fois de suite :

La pire, ce fut la pire journée, ce fut la pire journée dont ils se souviennent.

4.4.1. Droite et gauche

Comme cas particuliers, le développement peut se faire à droite de la forme concise :

Je cours. Je cours derrière un être qui s’enfuit.

ou à gauche :

Je doute. Je n’y peux rien, je doute.

4.5. Compressions

On synthètise une idée préalablement citée sous une forme plus ample. Exemple :

C’était le seul moment, le seul.

Le procédé peut être appliqué plusieurs fois de suite :

Nous étions jeunes et fiers, nous étions jeunes, nous étions.

4.5.1. Droite et gauche

Comme cas particuliers, la synthèse peut se faire en supprimant la droite de la forme étendue :

Sais-tu pourquoi ils rient, sais-tu pourquoi ?

ou la gauche :

La montagne est si belle, si belle.

4.6. Dilatations

Il s’agit de développer l’intérieur d’un bloc de texte. Les bords restent plus ou moins inchangés, au moins phonétiquement. On a donc la structure :

AB — AXB

Ce procédé peut servir à mettre en relief une rime, comme par exemple :

Je ne sais plus pourquoi ces cr-IS
Pourquoi les fées dansent la nu-IT

4.7. Contractions

Il s’agit de synthétiser l’intérieur d’un bloc de texte. Les bords restent plus ou moins inchangés, au moins phonétiquement. On a donc la structure :

AXB — AB

4.8. Cadres

Un cadre consiste à conserver au sein d’un groupe une partie constante dont la position est fixe.

4.8.1. Gauche

Nomenclature traditionnelle : anaphore, épanaphore

Le début du groupe reste fixe, c’est la fin qui varie. On a la structure générique :

AB — AC — AD — ...

Exemple :

Choisir un miel,
Choisir une douceur,
Choisir une idée de bonheur

4.8.2. Droit

Nomenclature traditionnelle : épiphore

La fin du groupe reste fixe, c’est le début qui varie. On a la structure générique :

BA — CA — DA — ...

Exemple :

Un frisson, il est effrayé,
Une oraison, il est effrayé,
L’ombre d’une ombre même, il est effrayé !

4.8.3. Central

Le début et la fin du groupe varient. On a la structure générique :

BAC — DAE — FAG — ...

Exemple :

Le marin fuit l’eau douce,
L’oie sauvage la bise
La fleur fuit la cerise,
Lui ne fuit que l’amour.

4.8.4. Hybride

Nomenclature traditionnelle : symploque, antépériphore

La partie médiane du groupe varie. On a la structure générique :

ACB — ADB — AEB — ...

Exemple :

Nous avions poursuivi l’impossible,
Nous avions entrevu l’impossible,
Nous avions sommeillé sur l’impossible ...

4.8.5. Alterné

Un cadre alterné consiste à faire varier alternativement le début et la fin d’un groupe. En voici la structure générique :

AB — CB — CD — ED — EF — ...

Un exemple avec un jeu de rimes :

Bien que l’eau y soit douce et que dansent les f-ILLES
Leurs jolis bracelets ne rendent qu’un son cr-EUX

L’odeur de l’inutile et de l’absurdit-É
Remplit l’air surchargé d’un luxe somptu-EUX

Qui n’a rêvé l’accès à l’immortalit-É
L’ambroisie, le nectar, les palais olympi-ENS ...

4.9. Miroirs

Le miroir est semblable à l’inversion, si ce n’est que l’ordre d’origine est explicite :

AB — BA

Exemple :

C’est qu’il y a tant
De fleurs pour l’écrire
De fleurs qui pourtant (A)
Ont peur (B) de le dire

Ont peur (B) et pourtant (A)
Qui oserait rire
Quel fol épi blanc
Neigerait son ire ?

4.10. Réversions

Nomenclature traditionnelle : réversion, antimétabole

La réversion est un cas particulier de miroir où les rôles des deux blocs sont inversés. Exemple :

Nous vivons une époque étrange où les vieux se sentent jeunes, où les jeunes se sentent vieux.

Le point de vue glisse d’un bloc à l’autre.

4.10.1. Négative

On peut utiliser la négation dans l’un des deux groupes :

Je ne sais si je fuis, mais je fuis si je sais.

4.11. Fédération

Il s’agit de fusions ou de scissions ou les blocs d’origine sont explicitement cités dans le texte.

Remarque : l’appellation provient du système homonyme ou les états membres sont considérés à la fois séparément et ensemble.

4.11.1. Fusion

Les blocs sont d’abord développés séparément avant d’être fusionnés.

Exemple :

La rose se refermait,
Le soir tombait,
La pluie menaçait.
La rose, le soir, la pluie, ce tourbillon m’emportait !

4.11.2. Scission

Nomenclature traditionnelle : épanode

Les blocs sont cités côte à côté avant d’être développés séparément.

Exemple :

Dans l’étrange pays des songes A
Régi par les charmes des fées B
La vérité est un mensonge    
Le mensonge une vérité    
     
Dans l’étrange pays des songes A
Les castels sont ensorcelés    
Le sol se transforme en éponge    
Sans prévenir l’intéressé    
     
Régi par les charmes des fées B
Et la magie des anciens druides    
Chaque passage est cloisonné    
Chaque miroir y est liquide    

4.12. Tête-bêche

La fusion du début d’un groupe et de la fin d’un autre en forme un troisième. On a donc la structure :

AX — YB — AB

La scission est également possible :

AB — AX — YB

4.13. Entrelac

IL s’agit d’entrelacer deux groupes de blocs :

AB — XY — AXBY

4.14. Parallélisme

Nomenclature traditionnelle : parallélisme, hypozeuxe

Le parallélisme est la juxtaposition de deux groupes de structure identiques. On le symbolise par :

AB — A’B’

Exemple :

L’eau descend les ruisseaux, la fleur coule les coeurs

4.14.1. Inversé

Nomenclature traditionnelle : chiasme

Dans le parallélisme inversé, le second groupe a une structure inversée par rapport au premier :

AB — B’A’

La forme la plus frappante est une inversion de la structure grammaticale, comme dans cet exemple de Corneille avec le couple verbe-adverbe :

Il attaque toujours et jamais ne se lasse

mais elle peut prendre aussi d’autres formes, comme dans le tableau ci-dessous.

Type Exemple
Phonétique Secou-AN-t dans mes y-EUX-x leurs f-EU-x diam-AN-tés (Baudelaire)
  an — eu ; eu — an
Rythmique Le fleuve / étend ses bras // voluptueux / et clairs
  2 — 4 ; 4 — 2
Logique Il grimpe doucement et redescend bien vite
  positif — négatif ; négatif — positif
Lettres L’O-R en R-O-tation
  inversion de lettres

Un autre exemple de chiasme de lettres, par Didier Meral :

Mais le t-O-R-rent charrie une R-O-che arrachée

4.14.2. Double

Dans le parallélisme double, une structure est inversée mais pas l’autre. On le note :

(AB, CD) — (A’B’, D’C’)

Par exemple, on peut inverser les rimes sans inverser la structure de la phrase :

Au feu luisant où cuit l’artich-AUT
Et au flocon venu du beffr-OI
Au feu luisant brûlant sous la s-OIE
Et au flocon qui fond sur ta p-EAU

4.15. Paires

Une paire est une phrase constituée de deux propositions alternatives. Les propositions sont par exemple introduites par :

Les uns …, les autres ...
D’une part …, d’autre part ...
Pour commencer …, ensuite ...
Tantôt …, tantôt ...
Soit …, soit ...
Que l'on soit …, ou ...
Ou bien …, ou bien ...
Ni …, ni ...
… mais, ou, et, donc, or, car …

4.15.1. Semi-implicite

Nomenclature traditionnelle : anantapodoton, anapodoton

On peut obtenir un effet de rupture en escamotant une des deux propositions :

Les uns parient des fortunes aux dés ... mais asseyez-vous, je vous en prie !

On peut éventuellement ajouter un indice sur la teneur de la proposition implicite :

Les uns parient des fortunes aux dés … jouez-vous à la roulette ?

Dans ce cas, on devine que les autres parient des fortunes à la roulette.

4.15.1.1. Contraste

Les structures basées sur une négation, comme le « ni …, ni … », offrent une variante intéressante. Partant de :

Ni la lune ni le soleil

le semi-implicite classique nous donne :

La lune ni le soleil

La variante consiste à intégrer la négation dans la proposition où le coordonnant est rendu implicite. Par exemple, en partant de :

Ni le feu ni la lumière ne le réchauffent

on peut utiliser le contraste feu / glace et obtenir :

La glace ni la lumière ne le réchauffent

4.16. Reprises

Nomenclature traditionnelle : anadiplose

Il s’agit de suite de groupes où la fin de chaque groupe est reprise au début du groupe suivant. On a la structure :

AB — BC — CD — DE — EF — ...

Un exemple avec deux groupes :

Je retiendrai l’espoir, l’espoir de ce miracle

Un exemple avec plusieurs groupes :

Le ciel est beau,
Beau comme l’air,
L’air est si doux
Loin de l’hiver.

4.16.1. Inversées

Il s’agit de suite de groupes où le début de chaque groupe est repris à la fin du groupe suivant. On a la structure :

BA — CB — DC — ED — FE — ...

On voit que la structure de chaque groupe est inversée par rapport à la reprise ordinaire.

Exemple :

Pourquoi souffrir,
Dis-moi pourquoi
Mon coeur dis-moi
S’il faut en rire.

4.16.2. Généralisée

La reprise peut se généraliser facilement à plus de deux blocs par groupe. Exemple avec trois :

ABC — BCD — CDE — DEF — EFG — ...

Dans l’autre sens :

ABC — DAB — EDA — FED — GFE — ...

4.17. Boucles

4.17.1. Ronde

Les groupes se donnent la main en utilisant des reprises, jusqu’au groupe concluant qui se termine par le début du groupe initial. On a donc la structure générique :

AB — BC — CD — ... — XY — YZ — ZA

Un exemple où on utilise les double sens :

Le théâtre a besoin de monnaie,
La monnaie a besoin de pièces,
La pièce à besoin du théâtre.

4.17.2. Rondine

Nomenclature traditionnelle : épanadiplose

Un même bloc de texte est cité au début d’un groupe et à la fin d’un autre, ce qui donne un effet de retour. La structure type est donc :

AB — CA

On peut voir une rondine comme un cas particulier de reprise inversée, écourtée et bouclée.

Cet exemple utilise deux strophes :

Des chats j’ai appris la paresse    
Et des minettes les câlins A
Je dois dire que leurs caresses    
M’ont rendu dingue du satin B
     
Si je suis chaud comme un lapin    
La faute en est à ces déesses C
Des chats j’ai appris la paresse    
Et des minettes les câlins A

et celui-ci deux propositions :

En vain il court, toujours en vain.

4.17.3. Serpentine

Nomenclature traditionnelle : antepiphore, épanalepse

Le bloc répété apparaît au début et à la fin d’une même structure. Cette structure peut être une phrase :

L’horizon rougeoyant avale l’horizon.

une strophe :

- Etres fols qui nagez, vous roulez dans vos vices,
Vous contenterez-vous des bas-fonds du débats,
D’humecter de vos doigts l’aile ronde ou la cuisse ?
C’est assez de surface, explorez les abysses !
Oui, sondez l’insondable océan du sabbat,
Ne vous contentez pas des bas-fonds du débat,
Etres fols qui nagez, vous roulez dans vos vices.

un vers :

Je te suis d’un pas vif et joyeux, je te suis
Reconnaissant et fier de danser sous la pluie

ou un hémistiche, comme dans cet exemple de Baudelaire :

Entends ma chère, entends — la douce nuit qui marche.

ou cet autre de Valéry :

Voir, ô merveille, voir ! — ma bouche nuancée

4.17.4. Ostinato

Il s’agit de la répétition incessante et successive d’un bloc de texte dont la fin est une introduction au début, ce qui donne un effet de mouvement perpétuel.

Les ostinatos sont souvent conclus par un bloc de texte plus petit, appelé clausule. La clausule peut être indépendante ou dérivée du bloc répété. Exemple :

Pourquoi la lune est si douce, je sais
Pourquoi la lune est si douce, je sais
.......................................
Pourquoi la lune est si douce, je sais
Pourquoi.

Lorsqu’on place l’ostinato en refrain, la clausule donne un effet saisissant marquant la fin du texte. Exemple :

....................................
....................................
Jamais de cierge n’a fondu

....................................
....................................
Jamais de cierge n’a fondu

....................................

....................................
....................................
Jamais de cierge n’a fondu

....................................
....................................
Jamais de cierge n’a fondu
Sans que l’amour soit de mêche.

4.17.5. Moulin

Il s’agit de mettre tour à tour en évidence les constituants les plus importants d’un bloc de texte. Une application courante est de placer tour à tour les mots importants d’un vers à la rime. Exemple :

Je vous entends fleurs de minuit
Qui dansez sous la lune argent
Car du ciel d’encre monte un cri
Fleurs de minuit je vous entends

4.18. Glissade

La position d’un bloc de texte glisse vers la gauche de groupe en groupe. Exemple :

ABC — DCE — CFG

On peut prolonger la série en choisissant un nouveau bloc à faire glisser :

ABC — DCE — CFG — HGI — GJK — ...

4.18.1. Inversée

La position d’un bloc de texte glisse vers la droite de groupe en groupe. Exemples :

ABC — DAE — FGA

On peut prolonger la série en choisissant un nouveau bloc à faire glisser :

ABC — DAE — FGA — HFI — JKF — ...

4.19. Hélice

Il s’agit d’une glissade dans un sens, puis dans l’autre, formant comme une rotation dans les groupes. Exemple :

ABC — DCE — CFG — HCI — JKC — ...

4.19.1. Inversée

L’hélice inversée commence à glisser dans l’autre sens. Exemple :

ABC — DAE — FGA — HAI — AJK — ...

4.20. Arborescence

Une arborescence est constituée d’une racine reliée à plusieurs branches. On met en évidence les liens entre la racine et les branches en utilisant la répétition.

4.20.1. Fourche

La fin de la racine est reprise à tous les débuts des blocs suivants :

AB — BC — BD — ...

Exemple :

Elle est revenue,
La belle saison,
Saison des amours,
Saison des moissons.

4.20.2. Fourche inversée

Dans la fourche inversée, le bloc contenant la racine est présent à la fin de la structure :

AX — BX — ... — UX — XZ

Exemple :

Il file comme un oiseau,
Il chante comme un oiseau,
Il vole comme un oiseau,
Un oiseau qui joue avec les vagues.

4.20.3. Grammaticale

Nomenclature traditionnelle : polysyndète

On ajoute un même coordonnant à toutes les branches se référant à une même racine. Un exemple de Voltaire :

Oui je le lui rendrai, mais mourant, mais puni
Mais versant à ses yeux le sang qui m’a trahi

équivalent à la forme plus concise :

Oui je le lui rendrai, mais mourant, puni,
Versant à ses yeux le sang qui m’a trahi

4.21. Factorisations

Nomenclature traditionnelle : zeugme, zeugma, disjonction

On n’utilise qu’une seule occurence d’un même texte commun à plusieurs blocs de texte. Par exemple, cette phrase :

Quelques années plus tard, quelques années qui semblèrent des siècles

donne après factorisation :

Quelques années plus tard, qui semblèrent des siècles

Autre exemple, Hugo a exprimé cette idée :

L’air était plein d’encens et les prés étaient plein de verdure

par la forme factorisée :

L’air était plein d’encens et les prés de verdure

Autre exempl avec des phrases relatives :

Je sais que tu le vois, que tu le comprends.

qu’on peut remplacer par :

Je sais que tu le vois, tu le comprends.

4.22. Tableaux

Il s’agit d’appliquer le principe de la dualité à un tableau, en le lisant tantôt ligne par ligne, tantôt colonne après colonne. Considérons le tableau :

A B
R S

Lu ligne après ligne, il nous donne :

A — B — R — S

Colonne après colonne, cela devient :

A — R — B — S

Si nous partons par exemple des éléments :

Agile Singe
Furtif Chat

on peut construire la phrase « ligne » :

Aussi agile qu’un singe, aussi furtif qu’un chat

qui devient, en version « colonne » :

Il était agile et furtif,
Un singe aux moustaches de chat

4.22.1. Rectangulaire

Voici un autre tableau, de deux lignes et trois colonnes cette fois :

A B S
R S T

Lu ligne par ligne, il nous donne :

A — B — C — R — S — T

Colonne par colonne, cela devient :

A — R — B — S — C — T

Si nous partons par exemple de cette phrase :

Les rayons s’étirent,
les arbres s’éveillent,
les quatre vents se lèvent

elle deviendra :

Les rayons, les arbres et les quatre vents
s’étirent, s’éveillent, se lèvent

4.22.2. Rimes

Cette technique peut être employée pour entrelacer des rimes. Ainsi, la structure a b b a peut être associée à c d c d :

a b b a
c d c d

La lecture colonne par colonne nous donne alors a c b d b c a d, structure utilisée dans cette strophe :

Où l’air s’appesantit
Le temps cesse de battre
Plus de vent plus de sens
La plaine attend l’orage
Attend sa délivrance
Que l’atmosphère éclate
Du verbe qui jaillit
Rempli d’idées sauvages

4.23. Produit tensoriel

On commence par examiner toutes les combinaisons possible entre deux séries de blocs. Par exemple, avec deux couples (A, B) et (R, S), on a le tableau :

R S
A AR AS
B BR BS

Un produit tensoriel est une structure qui énumère toutes ces possibilités, comme par exemple :

AR — AS — BR — BS

En voici une application :

Rose des blés tu montes pég-ASE
Rose des blés nymphe des lég-ENDES
Les bois dorés sous tes pas s’embr-ASENT
Les bois dorés les champs de lav-ANDE

4.24. Dualité

La dualité est une notion très puissante qui peut désigner différents concepts semblables.

4.24.1. Optimisation

En optimisation, la dualité est un concept qui relie le maximum d’un ensemble au minimum de l’ensemble complémentaire. Ainsi, une plage en bordure de mer peut être vue comme le point le plus bas du continent, ou le point le plus haut de l’océan. Il s’agit donc d’une inversion de point de vue.

On peut utiliser ce concept pour « dualiser » une image. Partons par exemple de :

Les voiles sont les ailes du navire.

Les ailes font clairement référence à un oiseau. On se place donc du point de vue de l’oiseau, et on écrit :

Les ailes sont les voiles de l’oiseau.

4.24.2. Formes linéaires

En théorie des formes linéaires, la dualité est un concept qui consiste à regarder le résultat d’une opération binaire tantôt comme une fonction de la première variable, tantôt comme une fonction de la seconde. Nous adoptons donc une structure où chacun des blocs d’un groupe de deux blocs varie tour à tour :

AR — AS — BS

En voici une application :

Le lac s’étalait sous la l-UNE
Le lac s’étalait sans or-AGE
Que restait-il sur le riv-AGΕ ?

On peut également faire varier le début du groupe avant la fin :

AR — BR — BS

Exemple :

Le potager sentait la menthe
Son fruit femelle une autre a/mante/
Son fruit femelle entre ses mains

4.24.3. Réversion

On peut considérer la réversion comme un cas particulier de dualité.

5. Carillon

5.1. Préparation - Tension - Résolution

Il s’agit de s’inspirer du principe musical alternant préparation, tension et détente d’une mélodie, harmonie ou rythme. Considérons cet exemple :

Oui je le sais princesse, et je sais la tristesse
Et l’étrange beauté des divines faiblesses ...

Les hémistiches du premiers vers (princesse — tristesse) riment entre-eux, l’oreille s’habitue à cette sonorité, c’est la préparation. Le premier hémistiche du second vers fait entendre une sonorité orpheline (beauté), c’est la tension. Le second hémistiche du second vers détend l’oreille en revenant à la rime des hémistiches du premier vers (faiblesse), c’est la résolution.

On remarque que la figure est due, non pas au caractère particulièrement tendu ou détendu du texte, mais au contraste entre les deux parties. Ainsi, dans cet autre exemple :

Au hurlement du vent dans les plaines de br-UME ...
Que de coups de tabac, de tempêtes, de gr-AINS
De beauté a-t-il dû traverser, et d’éc-UME,
Combien de naufragées les soirs de pleine l-UNE ?

Ce n’est pas vraiment la tension des rimes différentes des deux premiers vers, schéma très courant en poésie, qui provoque l’effet mais plutôt le contraste avec la résolution matérialisée par la rime approximative commune des deux derniers vers.

5.2. Ouverture — Conclusion

Un des modèles de phrase musicale se décompose en une première partie ouverte et une seconde partie conclusive. En littérature, on se sert de la ponctuation et de la structure du texte pour produire un effet similaire. Dans cet exemple :

Il a vogué, pareil aux ailettes d’argent,
    Il a vogué sur l’océan.

Le premier vers est ouvert, on s’attend clairement à une suite, alors que le second est conclusif.

5.3. Cadences

Nomenclature traditionnelle : bathos

En musique, une cadence est un enchaînement d’accords indiquant une légère pause ou une conclusion. Lorsque la cadence est conclusive, on a l’impression que la musique retombe au sol après avoir voltigé dans les airs. On peut s’inspirer de cette structure pour créer un effet de surprise. Le procédé le plus courant consiste à augmenter graduellement le ton dans un sens avant de l’inverser brutalement. Exemple :

Il est honnête, poli, courtois, délicat, charmant, en un mot insipide.

5.4. Rupture

Nomenclature traditionnelle : aposiopèse

Analogue à la rupture d’une continuité mélodique, elle consiste à changer de sujet de façon abrupte. Exemple :

Et si j’y parvenais … La pluie a-t-elle cessé ?

5.5. Rythmes

On peut faire varier le rythme des phrases en allongeant ou raccourcissant les syntagmes, les propositions.

En poésie, on peut jouer à la fois sur le rythme des phrases et sur les mètres des vers, par exemple en faisant varier l’un tout en laissant l’autre constant.

5.6. Enjambements

L’enjambement est analogue à une mélodie syncopée, c’est-à-dire décalée par rapport au rythme. En poésie, on remplace la mélodie par la structure de la phrase, tandis que le rythme est cadencé par les vers, les hémistiches et les strophes. Un enjambement est donc obtenu en décalant la fin d’un vers, d’un hémistiche ou d’une strophe par rapport aux pauses naturelles correspondant à la structure de la phrase.

5.6.1. Sémantique

Les plus beaux enjambements sont ceux qui donnent un double sens aux vers, comme dans cet exemple :

Princesse, je te suis
Reconnaissant. Celui
............

A la fin de la lecture du premier vers, on a l’impression que le narrateur veut suivre la princesse. Au second vers, on apprend qu’il lui est reconnaissant. On peut même développer la strophe afin de laisser les deux sens s’épanouir :

Lune d’or, je te suis
Tel une ombre légère.
Lune d’or, je te suis
Reconnaissant de ta lumière.

Dans les deux premier vers, il s’agit bien entendu du verbe suivre, et dans les deux derniers du verbe être.

5.6.2. Serpentin

La combinaison d’un enjambement et d’une serpentine provoque un contraste encore plus saisissant entre la structure rythmique et le phrasé. Exemple :

Nous irons écouter leur rire, nous irons
Admirer la fraîcheur timide des cascades

5.6.3. Rejet

Le rejet est une forme d’enjambement où un élément court est isolé au début du second vers :

Le moindre coup de vent, la plus petite goutte
De pluie leur suffisait pour se découvrir libres.

5.6.4. Contre-rejet

Le contre-rejet est une forme d’enjambement où un élément court est isolé à la fin du premier vers :

La lune et le soleil s’embrassaient. Un nuage
Translucide voilait la flamme de leur rage.

6. Architecture

6.1. Imbriquer

Il s’agit d’imbriquer les figures sur deux niveaux ou plus.

On peut par exemple former une combinaison à partir d’un développement et d’une déclinaison. Exemple à partir de l’aurore humide de rosée :

L’aurore humide encor de la rosée nocturne
Arrose la prairie de sa sérénité

6.2. Méta

C’est un procédé qui consiste à construire une figure de style au moyen de briques étant elles-mêmes des figures de style.

6.3. Composition

Il s’agit d’appliquer une figure de style après l’autre. Voici par exemple une réversion :

Nous vivons une époque étrange où les vieux se sentent jeunes, où les jeunes se sentent vieux.

à laquelle on applique le principe de factorisation :

Nous vivons une époque étrange où les vieux se sentent jeunes, les jeunes vieux.

6.3.1. Connexion et contraste

On part d’un contraste, comme :

Les eaux en feu

puis, on substitue en utilisant une connexion :

feu —— fumée —— fumant(e)

ce qui nous donne :

Les eaux fumantes

6.3.2. Yourcenar

Marguerite Yourcenar nous en livre un autre exemple, en partant de la phrase :

Quelques braves gens dont c’était le métier de mourir mouraient.

elle déplace la relative :

Quelques braves gens mouraient dont c’était le métier de mourir.

puis factorise :

Quelques braves gens mouraient dont c’était le métier.

6.3.3. Corneille

Voyons à présent cette idée exprimée par Corneille :

Je t’aimais alors que tu étais inconstant, qu’eussé-je fait si tu avais été fidèle ?

On peut factoriser les blocs semblables :

Je t’aimais alors que tu étais inconstant, qu’eussé-je fait fidèle ?

avant de rendre l’articulation implicite, ce qui nous amène au vers célèbre:

Je t’aimais inconstant, qu’eussé-je fait fidèle ?

6.3.4. Rostand

Ce vers de Rostand mêle un chiasme avec un double contraste homme / femme et joyeux / triste :

Joyeux pour une femme, et pour un homme, triste

6.4. Introduction

6.4.1. Implicite

On peut rentrer directement dans le vif d’une idée en rendant son introduction implicite. Cette technique donne de la vigueur au texte.

6.4.2. Déplacée

En reportant l’introduction à la fin du discours, on lui donne un air de conclusion, renforçant ainsi son importance

6.4.3. Répétée

L’introduction peut être répétée au début et à la fin du discours, formant ainsi une boucle.

6.5. Conclusion

6.5.1. Implicite

On peut rendre implicite la conclusion d’une idée, ce qui diffuse une atmosphère de sous-entendu.

6.5.2. Déplacée

En déplaçant la conclusion au début du discours, on lui donne un air d’introduction, renforçant ainsi son importance.

6.5.3. Répétée

On renforce l’importance de la conclusion en la répétant au début et à la fin du discours.

7. Temple

7.1. Juxtapositions

7.1.1. Évidence

Pour appuyer une affirmation, il suffit de la juxtaposer avec une évidence. Par exemple, si on veut proclamer avec force que la bouderie succède souvent à la colère, on pourra écrire :

L’hiver succède à l’automne, la bouderie à la colère.

7.1.2. Absurdité

Pour illustrer la fausseté d’une affirmation, on peut la juxtaposer avec une absurdité. Exemple :

Je l’ai déjà vu user de franchise, c’était un 30 février je crois.

Le caractère absurde provient ici du 30 février, date non valide comme chacun sait.

7.1.3. Grand angle

Nomenclature traditionnelle : antéoccupation

Il s’agit de présenter un point de vue différent avant l’affirmation. Exemple :

Cette prairie est magnifique, mais alors que dire du ciel nocturne !

7.2. Simulations

7.2.1. Interrogation

Poser une question dont la réponse est évidente et renforce l’apparente solidité d’un argument.

7.2.2. Doute

Nomenclature traditionnelle : dubitation

Feindre le doute entre deux opinions ou deux décisions pour ensuite trancher dans le sens souhaité.

7.2.3. Mauvaises augures

Nomenclature traditionnelle : commination

Décrire les malheurs qui surgiraient en cas de décision contraire à celle que l’on attend.

7.2.4. Conciliation

Nomenclature traditionnelle : communication

Feindre la concilation pour amener l’adversaire à baisser sa garde.

7.3. Négociations

7.3.1. Concession

Céder sur un point de détail dont on fait des montagnes pour mieux imposer un point crucial dont on cache ou minimise l’importance.

7.3.2. Objection anticipée

Nomenclature traditionnelle : apodioxe

Anticiper une objection en l’exposant pour ensuite la réfuter.

7.3.3. Dire sans dire

Nomenclature traditionnelle : prétérition

Décrire ou sous-entendre quelque chose tout en se défendant de le faire.

Auteur: chimay

Created: 2024-02-26 lun 16:48

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