Eclats de vers : Musica 11 : Coda

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Table des matières

1. Périodes

On distingue plusieurs périodes musicales  :

Début Fin Période
500 antique
500 1030 pré-roman
1030 1163 roman
1163 1245 notre-dame
1245 1315 ars antiqua
1315 1377 ars nova
1377 1400 ars subtilior
1400 1420 contenance angloise
1420 1600 renaissance
1600 1750 baroque
1750 1820 classique
1820 1900 romantique
1900 contemporain

Bien entendu, les styles de différents périodes ont pu coexister, et les périodes de transition sont généralement plus longues qu’une année. Les dates données ne sont qu’indicatives.

1.1. Évolution

  • 8e siècle
    • apparition des modes grégoriens
  • 13e siècle
    • début des cadences d’intervalles
  • 14e siècle
    • premières durées séparées pour les notes
  • 1558
    • Zarlino : prototype de l’accord parfait
  • ca 1600
    • début de la basse continue
      • chiffrage sous la basse symbolisant l’accord à réaliser
      • continuo
        • 1 instrument pour la basse
        • 1 instrument pour le reste des accords
  • 1612
    • Lipius : accord parfait & renversements
  • 1722
    • Rameau
      • fondamentale
      • accords de 7e

2. Grèce antique

2.1. Modes

2.1.1. Introduction

La nomenclature médiévale provient d’une interprétation erronée des modes grecs. Il est donc important de faire la distinction entre :

  • les modes de la Grèce antique d’une part
  • la terminologie médiévale des modes naturels, encore utilisée aujourd’hui comme référence, d’autre part

Ces deux nomenclatures utilisent les mêmes noms pour désigner des ensembles de modes bien distincts.

2.1.2. Construction

La pensée musicale de la Grèce antique est basée sur :

  • une suite de notes descendante
  • le tétracorde, un ensemble de quatre notes qui se suivent dans une gamme

La combinaison de ces deux principes nous donne l’idée du tétracorde descendant, c’est-à-dire un tétracorde qui évolue de l’aigu vers le grave.

Une gamme se construit avec deux tétracordes descendants joints par une note commune. Par exemple, si nous partons de mi, nous obtenons :

mi ré do si — la sol fa mi —> mi ré do si la sol fa mi

Cette pensée mélodique descendante explique à la fois les similarités et les différences avec la théorie musicale actuelle :

  • la première note du premier tétracorde est la note principale de la gamme, et correspond à la tonique.
  • la première note du deuxième tétracorde, la mèse, est située une quinte plus bas et correspond à la sous-dominante
  • la musique grecque s’appuie donc sur la dualité descendante tonique — sous-dominante, à comparer avec la dualité ascendante tonique — dominante de la musique tonale

Il existe quatre gammes fondamentales correspondant à quatre modes fondamentaux, que nous retrouvons dans le tableau suivant :

Mode Tétracorde 1 Tétracorde 2 Principale Mèse Gamme
dorien mi ré do si la sol fa mi mi la mi ré do si la sol fa mi
phrygien ré do si la sol fa mi ré sol ré do si la sol fa mi ré
lydien do si la sol fa mi ré do do fa do si la sol fa mi ré do
mixolydien si la sol fa mi ré do si si mi si la sol fa mi ré do si

D’autres gammes peuvent être construites un tétracorde en-dessous (préfixe hypo) ou un tétracorde au-dessus (préfixe hyper) de ces modes fondamentaux. Trois nouveaux modes apparaissent alors :

Mode Tétracorde 1 Tétracorde 2 Principale Mèse Gamme
hypodorien la sol fa mi ré do si la la la sol fa mi ré do si la
hypophrygien sol fa mi ré do si la sol sol do sol fa mi ré do si la sol
hypolydien fa mi ré do si la sol fa fa si fa mi ré do si la sol fa

Les autres modes ne sont que des synonymes des modes déjà obtenus :

  • hypomixolydien = dorien
  • hyperdorien = mixolydien
  • hyperphrygien = hypodorien
  • hyperlydien = hypophrygien
  • hypermixolydien = hypolydien

2.1.3. Intervalles

Nous analysons la suite des intervalles séparant les notes au sein de chaque tétracorde.

Par exemple, si nous exprimons les intervalles en demi-tons, la structure interne du premier tétracorde du mode grec dorien s’écrit :

mi     do   si
  2   2   1  

quant à celle du second :

la   sol   fa   mi
  2   2   1  

En répétant le même raisonnement pour chaque mode, nous obtenons le tableau suivants :

Mode Tétracorde 1 Tétracorde 2
Dorien 2 2 1 2 2 1
Phrygien 2 1 2 2 1 2
Lydien 1 2 2 1 2 2
Mixolydien 2 2 2 2 2 1
Hypodorien 2 2 1 2 1 2
Hypophrygien 2 1 2 1 2 2
Hypolydien 1 2 2 2 2 2

On voit que les modes dorien, phrygien et lydien sont composés de deux tétracordes de même structure.

2.1.4. Genres

Les notes centrales du deuxième tétracorde peuvent être altérée vers la note principale, ce qui nous donne les genres :

  • diatonique : aucune altération
  • chromatique : la deuxième note est altérée
  • enharmonique : les trois dernières notes sont contenues dans un demi-ton

Par exemple, on a :

  • le dorien diatonique : mi ré do si la sol fa mi
  • le dorien chromatique : mi ré do si la solb fa mi
  • le dorien diatonique : mi ré do si la solbb (note entre fa et fab) mi

2.1.5. Correspondance avec les modes médiévaux

2.1.5.1. Tonique

Le tableau suivant compare les modes grecs avec les modes médiévaux en se basant sur la note principale, ou tonique :

Tonique Grèce antique Mode médiéval
si Mixolydien Locrien
mi Dorien Phrygien
la Hypodorien Éolien
Phrygien Dorien
sol Hypophrygien Mixolydien
do Lydien Ionien
fa Hypolydien Lydien
2.1.5.2. Intervalles

On peut aussi comparer les modes grecs avec les modes médiévaux en se basant sur les intervalles de tons ou demi-tons entre les notes successives. Pour être considérés comme similaires, les intervalles descendants grecs doivent être égaux aux intervalles ascendants de la musique tonale.

Par exemple, si nous exprimons les intervalles en demi-tons, la structure interne descendante du mode grec dorien s’écrit :

mi     do   si   la   sol   fa   mi
  2   2   1   2   2   2   1  

ce qui est identique à la structure interne ascendante du mode médiéval ionien :

do     mi   fa   sol   la   si   do    
  2   2   1   2   2   2   1      

En procédant au même raisonnement avec les autres modes, on obtient le tableau suivant :

Grèce antique Principale Intervalles Tonique Mode médiéval
Hypolydien fa 1 2 2 1 2 2 2 si Locrien
Lydien do 1 2 2 2 1 2 2 mi Phrygien
Hypophrygien sol 2 1 2 2 1 2 2 la Éolien
Phrygien 2 1 2 2 2 1 2 Dorien
Hypodorien la 2 2 1 2 2 1 2 sol Mixolydien
Dorien mi 2 2 1 2 2 2 1 do Ionien
Mixolydien si 2 2 2 1 2 2 1 fa Lydien

On remarque que le cycle des quintes des notes principales est inversé par rapport au cycle des quintes des toniques.

2.2. Genres

2.2.1. Ode

L’ode grecque est liée au théâtre, à la musique, à la poésie et à la danse. Elle contient un ou plusieurs cycles. Chaque cycle se composait de trois phases :

  • strophe
    • chanté et dansé
    • se danse de droite à gauche
  • antistrophe
    • même rythme que la strophe
    • chanté et dansé
    • se danse en sens inverse, de gauche à droite
  • épode
    • chanté
    • rythme différent

3. Notation

3.1. Durées

Au 14e siècle, les anciennes durées se nommaient, de la plus longue à la plus courte :

  • la maxime
  • la longue
  • la brève
  • la semi-brève
  • la minime
  • la semi-minime

Elles étaient binaires ou ternaires suivant le contexte rythmiques. On avait ainsi :

  • le maximodus
    • parfait : maxime = 3 longues
    • imparfait : maxime = 2 longues
  • le modus
    • parfait : longue = 3 brèves
    • imparfait : longue = 2 brèves
  • le tempus
    • parfait
      • brève = 3 semi-brèves
      • symbole : cercle en début de portée
    • imparfait
      • brève = 2 semi-brèves
      • symbole : demi-cercle en début de portée
  • la prolatio
    • majeure
      • semi-brève = 3 minimes
      • symbole
        • point au centre du cercle, ou cercle barré
        • point au centre du demi-cercle, ou demi-cercle barré
    • mineure
      • semi-brève = 2 minimes
      • symbole : sans point ni barré

Équivalent en notation moderne :

  • modus : carrure de 2 ou 3 mesures
  • tempus : mesure de 2 ou 3 temps
  • prolatio : temps binaire ou ternaire

Pendant la période baroque, la semi-brève devient la ronde actuelle.

4. Consonance

4.1. Introduction

Au cours des siècles, le caractère consonant ou dissonant des intervalles harmoniques a beaucoup évolué. Ainsi, la musique de la grèce antique se basait sur la spirale des quintes pures. La gamme était alors pythagoricienne tandis que l’octave, la quinte, et la quarte se partageaient la tribune des consonances. Johannes de Garlandia, au 13e siècle, admet les tierces dans les consonances, mais ce n’est qu’à partir de Johannes de Muris, au début du 14e siècle, que les sixtes sont également considérées comme consonantes.

4.2. Une histoire de quarte

4.2.1. Introduction

Aujourd’hui, la quarte harmonique conserve un statut ambigu :

  • elle est consonante dans n’importe quel intervalle ne faisant pas intervenir la basse
  • elle demande une « résolution » dans l’accord de quarte et sixte, vers un accord parfait à l’état fondamental
    • la quarte harmonique avec la basse est alors suivie d’une tierce

Nous proposons dans cette section deux démonstrations et autres réflexions permettant de trancher définitivement la question.

4.2.2. Propriété intrinsèque

Le caractère consonant ou dissonant d’un intervalle harmonique doit être une propriété intrinsèque de ce dernier, et ne peut dépendre de son environnement. Si on considère que la quarte harmonique entre le soprano et l’alto est consonante dans l’accord parfait à l’état fondamental :

S : do
A : sol
T : mi
B : do

on doit également la considérer comme consonante en l’absence des deux voix inférieures. L’alto joue alors le rôle de la basse, ce qui nous donne :

S : do
A : sol

4.2.3. Harmoniques naturelles

Considérons la série des six premières harmoniques naturelles, à laquelle on ajoute un redoublement d’octave :

Notes : do do sol do mi sol do
Numéros : 1 2 3 4 5 6 8

Cette série est à la base de la classification des intervalles en consonants et dissonants. À ce stade, il faut être cohérent :

  • soit on accepte que tous les intervalles de cette série sont consonants, et la quarte l’est aussi
  • soit on accepte uniquement comme consonants les intervalles incluant la basse

Dans ce dernier cas, les intervalles consonants sont :

Intervalle Note I Note II
harmonique    
unisson 1 1
octave 1 2
quinte 1 3
tierce majeure 1 5

Tous les autres intervalles doivent alors être considérés comme dissonants, incluant :

  • la quarte
  • la tierce mineure
  • les sixtes

ce qui est musicalement inconcevable. Pire encore, l’accord parfait mineur et les accords de sixte doivent alors être classés parmi les accords dissonants, ce qui est d’une aburdité monumentale. Arrêtons-nous là, la démonstration est faite.

Nous sommes donc amenés à revenir au choix le plus naturel, qui est de considérer tous les intervalles de la série :

Notes : do do sol do mi sol do
Numéros : 1 2 3 4 5 6 8

comme consonants. Par conséquent, l’intervalle de quarte harmonique est toujours consonant.

4.2.4. Quarte et sixte

Il est abusif de parler de résolution de l’accord de quarte et sixte vers l’accord parfait à l’état fondamental : il ne s’agit que d’un accord ornemental enchaîné avec l’accord stratégique qu’il ornemente.

4.2.5. Cadence modale

Si la quarte est consonante, pourquoi utilise-t-on plutôt l’unisson, l’octave et la quinte pour les cadences d’intervalles ? Simplement parce que les consonances parfaites sont encore plus consonantes que la quarte. En fait, si on devait établir un ordre décroissant des consonances, on aurait :

unisson > octave > quinte > quarte > tierces & sixtes

Raison pour laquelle les cadences d’intervalles suivantes sont très utilisées :

  • extérieure conjointe depuis la sixte vers l’octave
  • intérieure conjointe depuis la tierce vers l’unisson

5. Polyphonie

5.1. Introduction

La polyphonie médiévale a fait ses premiers pas en utilisant un processus d’accompagnement simple : une voix parallèle, appelée voix organale, était alors ajoutée à une mélodie préexistante de référence, la voix principale. Suivant l’intervalle utilisé, on parle :

  • d’ organum strict : les voix sont séparées par une quinte ou une quarte
  • de gymel, ou de faux-bourdon, les voix sont séparés par une tierce ou une sixte

Au fil du temps, la voix organale est devenue de plus en plus ornée et indépendante. On tournait alors autour du parallélisme strict, ne revenant à l’intervalle harmonique original que lors des convergences de fin de phrase. C’était l’époque du déchant et de l’ organum fleuri. Plus tard, d’autres voix ont été ajoutées, donnant ainsi naissance au motet. Les lignes mélodiques ont pris de plus en plus d’indépendance, la cohérence de l’ensemble étant assurée par les lois du contrepoint, ainsi que par l’échange de motifs mélodiques via des procédés d’imitation et de variation. Le ricercar et la fugue ont abondamment utilisé ce type de constructions.

Suivant les époques :

  • la voix principale était aussi appelée vox principalis, cantus, cantus firmus, ou encore plain-chant
  • la voix organale était aussi appelée vox organalis, discantus ou organum fleuri
  • le terme de motet viendrait de motetus, le petit mot, en référence au texte ajouté sur la ou les voix supplémentaires

5.2. Ligne du temps

Dans les organum, les voix se nommaient ainsi :

  • vox organale
  • vox principalis

Puis, dans le déchant :

  • discantus
  • cantus

Ensuite, du 11e au 13e siècle :

quadriplum = soprano
triplum = alto
duplum = ténor
tenor = basse

Au 16e siècle :

superius = soprano
contratenor = alto
tenor = ténor
contratenor bassus = basse

Variante allemande :

superius = soprano
altus = alto
tenor = ténor
bass = basse

Variante anglaise :

superius = soprano
countertenor = alto
tenor = ténor
bassus = basse

Variante italienne :

superius = soprano
contralto = alto
tenor = ténor
basso = basse

Variante française :

superius = soprano
haute-contre = alto
ténor = ténor
basse = basse

Époque baroque :

contre-haut    
dessus    
contre-bas    
haute-contre    
taille = ténor
basse-contre = basse

6. Harmonie tonale

6.1. Introduction

La théorie harmonique qui prédomine aujourd’hui est souvent nommée harmonie tonale, ou encore harmonie classique. C’est elle qui est utilisée dans la musique baroque, classique et romantique. Elle est également omniprésente en jazz et en musique de variété, sous une forme étendue où modes et accords prennent parfois des tournures exotiques.

6.2. Intéractions entre les voix

La musique polyphonique médiévale tient compte de tous les intervalles formés par la superposition des mélodies. À quatre voix, on devra donc tenir compte des écarts :

  • ténor - basse
  • alto - basse
  • soprano - basse
  • alto - ténor
  • soprano - ténor
  • soprano - alto

Pour un quatuor, la situation n’est pas encore trop complexe, mais il faut savoir que le nombre de ces intéractions augmente rapidement avec le nombre de voix présentes. Pour N voix, on aura :

N × (N - 1) / 2

intervalles distincts, ce qui nous donne par exemple :

Nombre Nombre
de voix d’intervalles
2 1
3 3
4 6
5 10
6 15
7 21

La complexité de la tâche atteint donc rapidement des sommets. L’harmonie tonale tente une autre approche en accordant une importance prépondérante aux intervalles formés par une voix quelconque et la basse. Le nombre d’intéractions à prendre en compte est donc réduit à :

N - 1

c’est-à-dire :

Nombre Nombre
de voix d’intervalles
2 1
3 2
4 3
5 4
6 5
7 6

En contrepartie de ce gain en simplicité, les autres intervalles sont quelque peu éclipsés. Ils ne sont toutefois pas complètement oubliés :

  • la consonance des intervalles est obtenue en considérant tous les intervalles internes du début de la série des harmoniques naturelles, et pas seulement ceux faisant intervenir la basse
  • les mouvements polyphoniques étudient les progressions de chaque couple de lignes mélodiques
  • les dispositions des accords sont étudiées en détail dans toutes les voix

L’harmonie tonale est donc une théorie qui a le mérite de rester relativement simple tout en constituant une bonne approximation de la réalité musicale.

Auteur: - chimay

Created: 2024-01-30 mar 10:50

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