Eclats de vers : Litera : Aubes

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Table des matières

1 Hibou

Juste au-dessous du ciel à deux pas des nuages
Deux doigts noués de peur de se perdre à jamais
Un sanglot échappé précurseur d’un orage
Roule comme un torrent sur un tambour muet

Alarmé par le flot du silence maussade
Un oiseau antivol gardien de leur bonheur
Siffle et du nid d’en face un pinson piailleur
Leur offre une tournée au bar des sérénades

Bientôt toute la troupe ailée couvre le bruit
Des soupirs exaltés confiés aux draps de lin
Et le carillon clair du clocher attendri
Qui sonne les demies de leurs alexandrins

Mais voilà le tonnerre en écho à leurs cris
La foudre se détend dans un vase de soie
Et le crépitement de la pluie sur le toit
S'échoue sur la douceur calfeutrée de l’abri

Ca et là un éclair dévoile la sueur
Et les ruisseaux bleutés qui caressent les vitres
L'étuve claire-obscure inonde avec vigueur
La mansarde imprégnée de frissons électriques

Ainsi passe la nuit le déluge s’apaise
Vient la fraîche heure étrange où l’on peut contempler
Le soleil se lever sous un ciel étoilé
Où un timbre joyeux enveloppe la braise

Bientôt toute la gent ailée couvre le bruit
Des soupirs extasiés confiés au creux des reins
Et le carillon clair des rires attendris
Qui sonnent les demies de leurs alexandrins

2 Gazelle

Tes seins dodus épanouis tes yeux de jade inondé d’or
Bercent mes peurs calment mes joies dans une aubade inondée d’or

Ne cesse jamais de rêver parmi les candides fragrances
Les cieux aussi se sont voilés couvrant Grenade assiégée d’or

Le sable lui-même a pleuré près d’une atlantide en errance
Il s’est caché dans l’ombre fraîche au-dessous d’une arcade d’or

C'était avant, longtemps avant, ce monde obscur vide de sens
Il a depuis doré ta peau Shéhérazade teintée d’or

Sais-tu que tes lèvres rubis océanide délivrance
Ont le goût poivré du rivage où la muscade enlace l’or ?

C’est l’amour qui tient la baguette et qui décide des cadences
Ou frénétique ou apaisée satin sur sade arrosé d’or

C’est une injection d'émotions une eau limpide qui s'élance
Une prise de sentiments une cascade étoilée d’or

Lorsque le soir étend sur toi une rougeur - timide avance -
Je vois ton duvet frissonner et ton oeillade incrustée d’or

A la faveur des alizés nous consommons d’avides danses
Frôler c’est déjà voyager loin des rondes pailletées d’or

3 Allégresse

S’il se devait être un pari
Je l’ai gagné au tapis vert
De ton regard qui m’a souri
Autant à l’endroit qu'à l’envers
Dame passion carte mystère
Roulette des jeux étourdis

S’il se devait être une brise
C’est le cyclone qui scintille
Dans ces iris fous qui s’irisent
Autour de tes sombres pupilles
Comme une éclosion en furie
Des flots de fleurs qui vaporisent

S’il ne devait être qu’un songe
Que s’envolent les gratte-ciels
Dedans les moiteurs que prolongent
Les matins qui montent au ciel
Dans une brume sensuelle
Il nous aura servi d'éponge

S’il ne devait être qu’un fleuve
A la fois calme et tourmenté
Où les soleils souvent s’abreuvent
Et viennent parfois y plonger
Dauphins luisants des lacs d'été
C’est celui de tes yeux qui pleuvent

S’il se devait être une étoile
Capable d'étirer le temps
Le dilater comme un métal
Forger un zodiaque d’argent
Dans la fournaise d’un instant
Elle aura brillé sous ton voile

S’il ne devait être qu’une heure
En croisière sur les nuages
Laissant en aval les clameurs
Pour leur préférer les orages
Arborescence aux nuits sauvages
Je l’aurai passée sur ton coeur

4 Toison d'or

Des pincées de cils vénitiens couronnent ses yeux solaires
Deux lacs diamantés brillant de fièvre
Vibrante invitation vers les gouffres vertigineux du mystère
Vers les soupirs affamés qui hantent ses lèvres
C’est comme l'élixir de gourmandise d’un chaton que l’on sèvre
Sur ses lèvres le baiser se pâme
Puis s’enflamme
Puis les cheveux explosent en cascades sur son cou gorgé de sève
Un parfum de désir s'élève
Depuis la gorge profonde de ses seins
Attirance de satin
Vers ces collines pulpeuses parcourues d’avalanches de frissons
Depuis la vallée pelotonnée jusqu’au fard des tétons
Qui étalent leurs morsure sanguine sur la neige
Quels doux pièges
Que ces grenades de balcon au bord de l’explosion
Ne pas en oublier la caresse des embruns
Il faut descendre
Boucler la boucle vers la source ultime le ventre
Tendre naissance de l’univers
Et ces promontoires galbés et cambrés en offrande
Territoires ouverts
Alors qu’elle me griffe le coeur en fusion de ses glaives
Lames effilées d’un appel haletant
Ruisselant dans la jungle primitive
Y joindre son confluent
Plonger dans l’abîme de cette plaie gourmande
Dont la moindre lèvre salive
Fendre en deux à coups de harpons les blessures brûlantes
De nos consciences vascillantes
Eperonner jusqu'à la garde ce canyon de chair
Qui m’enserre
Comme pour mieux me traire
Fertiliser la toison d’or d’un labour sans trève
Vibrer en phase dans l’extase alanguie d’un même rêve
Jusqu’aux petites heures des tremblements de chair
Où le bonheur s’achève

5 Les plus belles lettres d'amour

Les plus belles lettres d’amour
Prennent source aux sols désertiques
Où la soif tord les mots balourds
Dans les mains du manque anémique,
Je ne t’en écrirai donc pas
Mais les murmurerai tout bas.

Les bijoux les plus éclatants
Ne sont que le prix ciselé
Des cages des oiseaux d’argent.
Ton chant je ne veux marchander,
Je ne t’en offrirai donc pas
Mais ferai briller tes yeux las.

Les étoffes les plus soyeuses
Etouffent plus qu’elles n’attisent
Les convoitises amoureuses
Qui effleurent ta peau exquise,
Je ne t’en vêtirai donc pas
Mais réchaufferai ton corps froid.

Les restaurants nappés de blanc
Servent des assiettes livides
Sur des appétits rutilants.
Nos estomacs, eux, sont avides,
Y dîner nous n’irons donc pas
Mais nos lèvres pour seul repas.

6 Une première fois

Ça commence, c’est un fleuve
Qui déborde de son lit
Il boit la terre neuve
Des désirs indécis

Bruit d'étoffes froissées
Des lacets se délient
Quelques rires étouffés
Un instant de magie

De ses plis délivrée
La folie les unit
La folie débridée
Leur parle sans bruit

Le satin enivré
Anime l’arabesque
L’arabesque enlisée
Se fond en une fresque

La dernière caresse
Vient apaiser leur souffle
Et alors ils paressent
Sous le drap qui les camoufle

7 Rosier Sauvage

Les roses toujours naissent dans le sang
Sous un pinceau teint de tons violents
Leurs pétales flous blessent de leurs charmes
Les roses toujours s’arrosent de larmes

Croissent les roseaux à l’orée des femmes
Baignées des vapeurs du désir cuisant
Et l’ombre s’embaume et l’aube s’enflamme
Comme une oriflamme en un four ardent

La corolle s’offre à la convoitise
Caressante d’un papillon gourmand
Le nectar s'écoule en lampées exquises
S’y trempe la trompe et boit goulûment

Le rosier s’irise au souffle insistant
Qui sort haletant de la mousse vierge
A peine embuée tout autour des berges
Par l’orfèvrerie du ciel éclatant

Un or rose luit au fond de l'étang
Il attire à lui la nage câline
D’un poisson fièvreux serti de platine
D’où bourgeonne un fruit d’un rouge arrogant

S'émousse la faim de vagues d’extase
Où roule attendrie la chair en fusion
Vient la frénésie déborde le vase
Le plaisir ruisselle au dernier frisson

8 Vivre c'est tournoyer

Vivre c’est tournoyer les cheveux dans l’ivresse
Portés par les courants des flots qui nous caressent
Et se plonger dans leur douceur ;
C’est se laisser emmener par le vent sauvage
Plus loin que l’horizon, vers un lointain rivage
Et s’y ébattre sans pudeur.

C’est courrir sur la plage étourdis d’oxygène
Fendre l’air et la vague en happant leur haleine
Qui libère de toute entrave,
Prendre en mains le sable, le regarder s’enfuir
Torréfier chaque grain, infuser un plaisir
Nuancé d’arômes suaves.

Admirer les chaloupes qu’esquissent les filles
Allumer son désir dans leurs yeux qui scintillent
Sous une lune complaisante
Se prendre au doux piège de leurs chaudes litières
Y lover ses mains tendre et sa fière crinière
Grisé par la chair palpitante.

Dans l’atmosphère qui condense les secousses
Faire virevolter corolles et frimousses
En effeuillant leurs fins pétales ;
Vibrer sous les battements sourds de la cadence
S'étourdir et rouler, déphasés dans la transe
Vers l’extase fondamentale.

Vivre c’est se soûler d’azurs et de nuages
C’est serrer ceux qu’on aime à l’abri des orages
Et de la foudre aléatoire ;
C’est écouter la pluie crépiter sur le toit
Et raconter ce sud épargné des frimas
Où le soleil se couche tard.

Vivre c’est se nourrir du silence profond
De l’arbre tourmenté qui porte sur son front
Les échos d’un lointain passé
C’est gravir la pente d’un lacet montagneux
En ne se souciant pas de ce sommet teigneux
Mais de la beauté du sentier !

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Auteur: chimay

Created: 2021-11-07 dim 19:08

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