Eclats de vers : Litera : Nocturnes

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Table des matières

1 Effet d'hiver

Le ciel dormait dans son sommeil qu'éclairait d’ombre à son chevet
La lune opale, ô pâle lune, astre ajouré tant de visages
Que la nuit berce, aussi la brume, aussi la brise et ses reflets
Qui nous renvoie vers un sommeil agité de givre hier sauvage.

Un seul cristal d’orage, un seul, et qui rêvions nous d'être sages
Sommes à chatouiller la plume, à colorier l’autre lumière,
Couchés sur elle, elle et ses pleurs, elle et ses colères princières,
Elle en cristal au coeur d'écume, ancestral enfant de l’orage.

Les jeunes fleurs aiment les fleurs si les abeilles les guêpières
Si relevées, mais sans arôme, y brûle un thé mais sans parfum
Rien ne transpirera des flots qu’un bouc satyre et émissaire
Comme on en livre savoureux dans les vieux livres de satin.

Le songe ici guide son cours, ici la source est sans caprice,
Le ciel s’endort sur du velours que ne se trouble le silence
Dans un sommeil de peu de bruit ni de romanesques romances.

Le rêve est pur, épris le rêve, un ange épris chante un solstice
A ne plus aimer que le rire, à ne plus rire que d’aimer
Jusqu'à la pluie s’il est d’hiver et jusqu’aux sourdes nuits d'été.

Tapis dans l’ombre, un bleu tapis volant et or verse le soir,
Il joue un air de rien, de flûte, à pétiller, fut-ce d’y croire
Aux yeux de soie grise et dodue dans l’ombre grise du léthé.

Un seul cristal s’il est d’hiver vous improvisera dans l’onde
Que la nuit berce et ses reflets la lune ajourée de fleurs blondes,
D’eau fine en fleur, d’aurore enfuie, de noeuds d'épine inachevés.

2 La Lune fauchée

- Lune, Reine des nuits, qu’attends-tu pour briller ?
- Je suis désargentée, la fin du mois approche !
Votre calendrier trop lent vide mes poches
Et pour me rattraper je n’ai que février.

Mes croissants sont éteints, je me sens nue et moche,
Répondez mes soleils, où êtes-vous passé ?
Là, tu vois ? Plus personne. Ils m’ont laissé tomber.
- Non, les rêveurs sont là, ils admirent tes roches.

- Tu te moques l’ami, mais sais-tu ce que c’est
L’ivresse des regards, étincelants reflets
Qui se posent sur toi ? Le sais-tu mon ami ?

- Oui je le sais princesse et je sais la tristesse
Et l'étrange beauté des divines faiblesses …
Souris, c’est si charmant quand ta joue s’arrondit.

3 Minou le matou

Des chats j’ai appris la paresse
Et des minettes les câlins
Je dois dire que leurs caresses
M’ont rendu dingue du satin

Si je suis chaud comme un lapin
La faute en est à ces déesses
Des chats j’ai appris la paresse
Et des minettes les câlins

Quand dans l’alcôve des tigresses
J’entre furtif comme un félin
Elles ronronnent en souplesse
Griffes dehors dans leurs coussins

Je dois dire que leurs caresses
M’ont rendu dingue du satin
M’ont rendu dingue et je ne cesse
De réclamer d’autres festins

Et je miaule d’allégresse
Lové au creux du baldaquin
La faute en est à ces déesses
Si je suis chaud comme un lapin

J’aime la chaleur de leurs seins
Sous mon corps gonflé de tendresse
Et j’ai le poil qui se redresse
Dès que se cambrent leurs bassins

Quand dans l’alcôve des tigresses
Lové au creux du baldaquin
Je glisse avec délicatesse
Dans le velours de leurs écrins

Dans le velouté de leurs reins
Je bois le nectar de leurs tresses
C’est mieux que le lait que le vin
Le miel doré de mes maîtresses

Au nid douillet de mes faiblesses
Je m’incruste comme un poussin
J’aime la chaleur de leurs seins
Mais gare à celle qui me blesse

Je m’enfuis au petit matin
Par les gouttières de l’ivresse
Libre sans collier ni sans laisse
A la croisée d’autres destins

Museau recensant les parfums
Moustache lustrée en finesse
La patte assurée du chemin
Je glisse avec délicatesse

Vers les balcons de ces déesses
Dans le velours de leurs écrins
Des chats j’ai appris la paresse
Et des minettes les câlins

4 Lune hivernale

J’ai été dormir sur la lune
Il y fait moins froid qu’ici-bas
Le vent glacé de la rancune
Ne vient pas geindre sur les toits

Quand la neige chasse la brume
Il n’y a pas meilleur sauna
Que la caresse de ma brune
Sur l’oreiller et c’est pourquoi

J’ai été dormir sur la lune
Oublier la gifle du froid
Nul risque d’attraper un rhume
Dans l'édredon de ses dix doigts

Depuis j’ai parcouru les dunes
Jusqu’aux oasis de son choix
C’est le paradis des agrumes
Un bain de soleil et de soie

Où de chaudes vapeurs d'écume
Arrosent la plage de joie
Nul risque d’attraper un rhume
Il n’y a pas meilleur sauna

Quand la neige chasse la brume
Que l’amour près d’un feu de bois
Et la caresse de ma brune
Sur l’oreiller et c’est pourquoi

Je n’attends pas la pleine lune
Pour me régaler dans ses bras
Je m’en vais cajoler ma brune
Dès que les dents grincent de froid

L'été est gravé sur les runes
Un bain de soleil et de soie
La face cachée des lagunes
Et tous ses croissants sont pour moi

5 D'une femme naît un poème

D’une femme naît un poème
Dis le sens-tu toi mon coeur battre
Aussi brûlant qu’un café crème
Il n’est plus l’heure d’en débattre

Qu’y faire au ciel nous étions quatre
J’en oublierais tous mes problèmes
Douceur du vent tes seins de crème
L’heure est venue de s’y ébattre

Nuit de café lune de miel
Fondez sur la cuillère en nacre
Loin de nous les froides prunelles
Je suis lassé de tout combattre

D’une femme naît un poème
Et si j’avais assez de temps
Je te dirais combien je t’aime
A en épuiser tes vingt ans

Mais mille ans n’y suffiraient pas
Un frisson c’est l'éternité
Une seconde dans tes bras
C’est un fleuve démaquillé

Le temps n’est plus qu’un lac doré
Baigné de soleil et de pluie
La neige et la fleur se marient
Sur un rond d’eau improvisé

De ces guirlandes d’harmonie
Il ne m’est plus qu’un diadème
Aussi brûlant qu’un café crème
Clair comme une étoile qui brille

6 Demi-lunes

Sa compagne était blonde
Sa compagne était brune
Deux moitiés d’une lune
Incendiant la nuit sombre

D’une passion profonde
Qui baignait la lagune
Sa compagne était brune
Sa compagne était blonde

Deux moitiés d’une lune
Lait doré café sombre
Les nuages qui rôdent
Abritaient leur écume

Qui rosissait la brume
D’une passion profonde
Que leur amour allume
Sous les vapeurs qui rôdent

Mince voile d'écume
La lumière et son ombre
Unies en demi-lune
Lait sucré café sombre

Sa compagne était blonde
Miel coulant sur les dunes
Caramel qui inonde
L’horizon qui s’allume

Sa compagne était brune
Une flamme profonde
Une étoile dans l’onde
D’une houle nocturne

Et les deux vous embrument
Il faut voir l’hécatombe
Qui voudrait par les runes
Se glisser dans la ronde

Deux croissants qui succombent
Deux versants d’une dune
Deux moitiés d’une lune
Incendiant la nuit sombre

7 Que sont mornes ces filles

Que sont mornes ces filles
Dont les yeux seuls scintillent
Laisse glisser en bas
Toute la pacotille

Fi donc des faux éclats
De la verroterie
Je ne veux point d'ébats
Cerné de pacotille

Enlève moi ce teint
Ce rouge et ce crayon
Cet entêtant parfum
Ces bijoux de salon

Que ta beauté soit bue
Sans aucun artifice
Je te préfère nue
Riche de tes délices

Je veux que cette nuit
Ton odeur animale
Seule emplisse le lit
De nos fureurs bestiales

Ainsi qu'à l’aube blême
Ce soit ta peau qui brille
De sueur et de crème
Emblèmes de la vie

Je veux à l’aube tiède
Enfièvrer tes pupilles
Que tout en toi me cède
Que nos deux âmes crient

8 Les torches

Les secrets ténébreux que cèle, silencieuse,
L'épaisse profondeur des fosses abyssales,
Antichambre en sommeil de chimères affreuses
Où le phosphore luit de nos peurs ancestrales,

Le rire cristallin des sirènes d’argent
Dansant dans le château d’une épave engloutie,
La lumière diffuse et bleutée qu’incendie
Une orgie arc-en-ciel de poissons éclatants,

L’océan qui respire et s'échoue sur la braise
D’une plage empourprée cendrée de sable blanc,
La lune qui s’enlise et doucement apaise
La morsure du sel et l’orage dément
Qui lance son écume à l’assaut des falaises,

Le murmure assoupi des joyeuses cascades
Dont l’eau jase et s’endort lentement, sans un cri,
Le tumulte aérien des fraîches embrassades
Et les flots enivrés chantant leurs sérénades
Lorsque deux confluents gagnent un même lit,

Les pinceaux du soleil auréolant l’ombrage
De rosaces dorées aux franges des feuillages
Et de colonnes de lumière,
Le saule liseré de rideaux de dentelle,
La nocturne lueur des mariages charnels
Scellés à l’orée des clairières,

Le vent avide qui s’engouffre
Dans les cratère désolés,
La montagne qui hurle et souffre
De tous ses cols accidentés,
Le glacier torturé qu'écorche
L’arête effilée de la roche
Le long de ses flancs mentholés

Les lacs lissés par le silence
Où les cirrus prennent la pose
Se colorant de noir, de rose,
Se regorgeant de leur prestance,
Et les sommets immaculés,
Ces pièges de l'éternité
Que nul pas n’oserait souiller
Sens en espérer la clémence

Plus loin encor, le bleu du ciel,
Le vertige immense du vide,
Quelques planètes impavides
Dans leurs orbites éternelles,
Un soleil pâle et affaibli
Qui n’est déjà qu’une étincelle,
Des étoiles, hors de leur lit,
Fonçant affolées dans la nuit
Dans les nébuleuses d’or vert
Et les averses d’univers,

Tout cela je l’ai vu dans tes beaux yeux félins,
Ces grands yeux lumineux tombés d’une comète,
Ces caresses de soie, sortilèges célestes,
Qui sabraient de leurs torches l’horizon éteint

9 Anse amble

L’amour vole au-delà des mots
Et c’est leur magie de le dire
Le paradoxe est dans l'écho
L’amour vole au-delà des mots
Léger léger comme un soupir

Virevolte le sans le dire
Le secret s'écrit blanc sur blanc
Pour mieux le crier sans l'écrire
La plume est muette et s'étire
A la naissance de l’orient

Car c’est la folie ce je t’aime
Comme un remous brise les rangs
Passé le jeu la raison même
C’est de la folie ce je t’aime
Mais c’est plus beau mais c’est plus grand

Cieux dans les yeux, yeux dans les cieux
Plus rien là-haut n’est sacrilège
On peut même écrire « nous deux »
Sans que le doute venimeux
Ne nous paralyse de pièges

Brûlant tout ce qui nous sépare
Nos regards ne mentiront pas
Et comme vierges l’un de l’autre
Nous referons l’amour en pluie
Pour la première fois

10 Problème a deux corps

Si nous allions là-haut, là-haut vers les étoiles
    Aller voir si le ciel
Contient autant d"éclat que tes sombres prunelles
Contient assez de vent pour soulever ton voile ;

Si nous allions très loin, plus loin que l’horizon
Aux confins de la voie lactée
A la recherche d’une autre constellation
Dont les neiges te seraient un collier ?
Si nous allions très loin, plus loin que l’horizon

Chevaucher de planète en planète
Agrippés aux crins d’une comète ?
Et puis, durant de longues heures,
Propulsés par nos émotions,
Explorer les trois dimensions
De l’amour en apesanteur.

Nous irions enlacés en galaxie spirale
Essayant dans la nuit des danses sidérales
Sur une piste d’anneaux planétaires ;
Sous le vague regard des géantes gazeuses,
Des astéroïdes et des ourses frileuses
Dans une transe interstellaire.

Si nous allions là-haut, plus haut que de raison
Jusqu'à n'être qu’un point dans les replis du soir,
Jusqu'à n'être qu’un grain de désir dans le noir ?
Ainsi, nul ne verrait le tourbillon
De notre folie giratoire
Lorsque j’enlèverais ta ceinture d’orion.

L’un de l’autre les satellites,
Nous serions chacun en orbite,
Tournoyant de plus en plus vite,
Et puis, durant de longues heures,
Nos corps au bord de la fusion
Nous explorerions l’attraction
De l’amour en apesanteur.

Nos ébats creuseraient dans la nuit un sillage
De remous turbulents
A chaque mouvement ;
Nos ondes, dans la nuit, laisseraient un message
Qui irait s'échouer sur de lointains étangs.

Et lorsque le point d’orgue de nos convulsions
Atteindrait dans de doux frissons
De parallèles univers,
Nous irions au-delà de l’espace et du temps
Craquer une alumette au fond des flots béants,
Extraire du cosmos un aveuglant éclair.

Et dans notre étreinte furieuse,
Astres et soleils spectateurs,
Météores et nébuleuses
Verraient naître une étoile soeur ;
Propulsés par la distorsion,
Nous irions loin vers l’horizon
Joindre nos deux corps en fusion,
Enflammer d’amour d’autres fleurs.

Si nous allions là-haut, là-haut vers les étoiles ?

11 Cinéma

A la lumière écrue
Du bar de la télé
Quand tu bois du léthé
Et de l’ale un peu pâle
Que ton dernier écu
Te dit viens on détale

Quand tu croises la bise
Aux portes du comptoir
Que son baiser glacé
Te transforme en passoire
Quand le vent froid attise
La morsure des fées

Tu traînes dans la nuit
Les brûlures du temps
Mais sans bulle d'Osère
La traîne des ennuis
Et la neige d’hier
Recouvre tes vingt ans

Non plus de vertes fleurs
Qui ne se nomme feuille
Ciboulette ou cerfeuil
L’aurore en demi-teinte
Ne cherche plus l'étreinte
Du colibri rieur

L’amante religieuse
Est paraît-il enceinte
Et rôde malheureuse
Entre deux apogées
Des soupirs de l’absinthe
Jusqu’aux cris des dragées

Les ténèbres trimballent
Décor en carton-plâtre
Quelques films à dix balles
« Le char du prince ment »
Larmes et sentiments
Scénarios à la hâte

Les acteurs sont célèbres
Pour leurs masques pédants
On bouche comme on peut
L’inter-gémissements
De bouche-à-bouches creux
Et de larmes d’ascètes

Mais l’on ne peut avoir
Et les deux pieds sur terre
Et les jambes en l’air
Que reste-t-il à croire ?
Si tout assure et ment
Grisons-nous de tourments !

Qui veut douter de tout
Doutera de ses doutes
Même du soir qui plonge
De l’ombre qui s’allonge
Le coeur quoiqu’il nous coûte
Est notre seul atout

12 Cavalcade

Aucune nuit n’est vaine et nous l’avons prouvé
Fuyant bien au-delà des barrières ignobles
Nous le savons tous deux les chevauchées sont nobles
Et l’instant en lui seul contient l'éternité

Fuyant bien au-delà des barrières ignobles
Le mors vole au-dessus de la morosité
Et l’instant en lui seul contient l'éternité
Un seul grain de raisin promet tout un vignoble

Le mors vole au-dessus de la morosité
Gloire à tous les viveurs et oublions les sobres
Un seul grain de raisin promet tout un vignoble
N’attendons pas l’automne avant de s’enivrer

Gloire à tous les viveurs et oublions les sobres
Les ruisseaux les plus frais ont un cours débridé
N’attendons pas l’automne avant de s’enivrer
Ma fleur laisse le vent ôter ta jolie robe

Les ruisseaux les plus frais ont un cours débridé
Qui court après les jours que l'étang lui dérobe
Ma fleur laisse le vent ôter ta jolie robe
Aucune nuit n’est vaine allons le démontrer

13 Nuit souveraine

Jupe d'ébène
Jambes d’ivoire
Elle est la reine
Du savon noir

Brûle mes veines
Sans le savoir
Ah quelle veine
J’ai de la voir

Ma ferveur vaine
Voudrait l’avoir
Jupe d'ébène
Jambes d’ivoire

Sur sa peau lisse
Nard et nectar
Le satin glisse
Je n’ose y croire

Statue sereine
Huilée de moire
Ma coupe est pleine
J’ai du trop boire

Deux tétons règnent
Deux raisins noirs
Ses seins qui saignent
Brûlent le soir

Reprendre haleine
Et synthétise
Toute la scène
Désir surprise

Baiser sa gorge
Qui vocalise
Son soutien-gorge
Chute et s’enlise

Ses hanches daignent
Frémir d’espoir
Voile d'ébène
Cuisse d’ivoire

Sa bouche offerte
Se laisse choir
Sens en alerte
Sur dents d’ivoire

Dentelle éprise
Mes mains s'égarent
De convoitise
Dans le plumard

Corde d'ébène
Fesses d’ivoire
Ma souveraine
Face au miroir

Glace lubrique
De lupanar
Couple identique
Laissons-les voir

Le nacre perle
Sous ses dessous
La pluie déferle
J’y bois mon saoul

Bisou mouillé
Et faim de loup
Cordon coupé
Chutez froufrous

Dans la nuit chaude
Deux ombres grises
L’une sur l’autre
Fleur et cerise

Ma belle reine
Serre sa prise
Toison d'ébène
Sur rose exquise

14 La fugitive

Imagine une nuit claire où la lune est pleine
Et nous envoie du haut de son trône d'ébène
    Sa lueur évasive.

Silencieux, les matous maraudeurs lèvent l’ancre
Pour de sombres couloirs où la nuit se fait encre
    Et leurs ombres furtives.

Une lame de miel enrubannée d'épices
Déferle d’une porte où de dorés calices
    Voguent à la dérive.

Les heures défilant, mes pensées embrumées
Se perdent au milieu des lampes irisées
    Et des vapeurs fautives.

Soudain je la devine, envoûtante et câline,
Emergeant du néant, brusquement se dessinent
    Ses yeux qui me captivent .

Son regard langoureux me frôle et me fascine,
Ses longs cheveux hâlés imprègnent ma rétine
    De leurs ondes lascives.

Dans un baiser fougueux, nos lèvres se délivrent
De leur prison de froid, de leur carcan de givre,
    De l’attente plaintive.

Emporté par l’ardeur de nos corps qui s’attirent,
Je me sens doucement sombrer dans le délire
Lorsque soudain elle s’esquive,
    Ma douce fugitive.

Pourquoi a-t-elle alors voulu fuir son désir ?
Jamais je ne saurai. Parfois ton souvenir
Embrasse mon âme surprise,
    Ma douce fugitive …

" Je suis le souffle chaud de l’instant que j’attise
" Jusqu'à ce qu’il rougoie d’intense convoitise."
Ainsi parlait, de sa brise impulsive,
    Ma douce fugitive.

15 Valse majeure, accords mineurs

Ame des valses enivrantes,
Frénétique cadence,
Ame berceuse de nos sens
Sois belle et trépidante !

Pique les alézans quadriges
Des rythmes débridés ;
Que tes abîmes effrénés
Nous donnent le vertige !

Que la corolle d’une ronde
Tourbillonne sans freins,
Que l’air vibre jusqu’au matin
Dans ta gorge féconde ;

Tourne, vrille jusqu’aux étoiles,
Attelage de flous,
Plus vite, brisons le verrou
Qui retenait nos voiles !

Ame des valses insistantes,
Extatique fréquence,
Ame de langoureuse essence
Sois lente et caressante !

Dévoile-nous la cruauté
De cet horrible vide ;
Exhibe l’espace livide
De nos jours gaspillés !

Détends tes cordes satinées
Autour des épidermes,
Que tes bras délicats se ferment
Sur l'âme convoitée

Plus lent, presque jusqu'à l’arrêt
Puis repars de plus belle !
Tout s’emballe alors jusqu’au ciel,
La suite je la tais …

16 Air frivole

Souvenirs. Soirs radieux où un soleil rieur
Glisse ses derniers feux aux vins et aux liqueurs.
Lors, leurs robes pourpres s'éclairent de vapeurs
Nous laissant voir l’essence de milliers de fleurs.

Espoirs. Nuit de ripaille où les moissons respirent.
Bercées par leurs soupirs, nos pensées s’abandonnent.
Les épaisses murailles du château résonnent
De nos chants enchantés d’où jaillissent les rires.

Ivresse. Aurore grise où les désirs nous grisent.
Le regard s'égaillant surpris par de doux yeux.
La belle vient gaiement. Les ardeurs qu’elle attise
S'élèvent en un brasier, tout n’est plus que le feu.

Folie. La paille assiste à tous nos jeux paillards.
Galbe, cuisses ambrées, on fouine dans le foin.
Galop, croupe cambrée, on couine dans les coins.
Mais quand vient le midi, l’on est bien moins gaillard.

Tristesse. Journée grise où les désirs s'épuisent.
Plus de brasier, rien que des braises.
Nos ardeurs alourdies s’apaisent.
Le regard ne voit plus qu’un étang qui s’irise.

Miroir. Il perce nos mystères : il nous connaît.
C’est un juge implacable : il lamine et perfore
Notre âme lorsqu’il sort d’un grimoire un remord,
D’une armoire une histoire, d’un étage un secret.

Mais que vois-je ? Un soir radieux où un ciel rieur
Glisse ses derniers feux aux vins et aux liqueurs.
Lors, leurs robes pourpres s'éclairent de vapeurs
Nous laissant voir l’essence de milliers de fleurs …

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Auteur: chimay

Created: 2021-11-07 dim 19:09

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